
Si Airbnb a révolutionné l’hébergement temporaire en France, elle a également bouleversé les équilibres entre propriétaires et locataires. De plus en plus de bailleurs découvrent, parfois à leurs dépens, que leur logement est sous-loué sur des plateformes de type Airbnb sans leur autorisation. Bruit dans l’immeuble, va-et-vient incessants, dégradations non couvertes par l’assurance, et surtout l’impression de ne plus contrôler son propre bien… La sous-location peut vite devenir un casse-tête pour le propriétaire.
Pourtant, le droit encadre clairement cette pratique. Encore faut-il que le bailleur soit informé, vigilant et surtout bien conseillé. À travers ce guide, nous explorons les règles juridiques, les droits fondamentaux du propriétaire, les clauses indispensables à intégrer dans tout accord de sous-location, et les mesures à prendre pour éviter les dérives.
Sous-location en France : Ce que dit la loi
Le principe : l’autorisation expresse du propriétaire
La loi du 6 juillet 1989 encadrant les rapports locatifs est sans équivoque : tout locataire souhaitant sous-louer le logement qu’il occupe doit obtenir l’autorisation écrite de son bailleur. C’est l’article 8 de cette loi qui le précise. L’accord verbal ne suffit pas, et tout manquement expose le locataire à de lourdes conséquences.
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En l’absence d’autorisation écrite, la sous-location est réputée illégale. Le propriétaire peut alors demander la résiliation judiciaire du bail principal, et même réclamer des dommages et intérêts en cas de préjudice. En pratique, cela signifie qu’un locataire qui met son appartement en location sur Airbnb sans l’accord de son bailleur s’expose à une procédure d’expulsion, mais aussi à des poursuites civiles si des nuisances, des dégradations ou des infractions ont été constatées.
Les règles spécifiques aux locations meublées touristiques (Airbnb)
La sous-location touristique, qui consiste à louer le logement pour de courtes durées via des plateformes comme Airbnb, obéit à une réglementation propre, renforcée par la loi Elan et les décisions successives des juridictions françaises.
Si le logement constitue la résidence principale du locataire, la sous-location est encadrée par la réglementation sur les meublés de tourisme. Elle impose un plafond de 120 jours de location par an dans les communes en zone tendue (comme Paris, Lyon, Bordeaux, Nice, etc.), une déclaration préalable en mairie, et l’obtention d’un numéro d’enregistrement. Ces obligations incombent au locataire, mais en cas de manquement, le propriétaire peut aussi être inquiété, notamment sur le plan administratif.
Il est donc essentiel de rappeler que la responsabilité ne s’arrête pas au locataire principal : en cas de contentieux, le propriétaire peut être tenu solidairement responsable si aucune clause de vigilance n’a été mise en place.
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Les droits du propriétaire-bailleur
Droit à l’information et à la validation du sous-locataire
Le propriétaire a le droit d’être informé en amont de toute opération de sous-location. Cela implique de connaître l’identité du ou des sous-locataires, la durée de leur séjour, et même leur profil. Il peut parfaitement exiger les mêmes documents que pour un dossier de location classique : pièce d’identité, justificatif de ressources, ou attestation d’assurance.
Cette validation en amont permet au bailleur de s’assurer de la solvabilité et du sérieux des personnes hébergées dans son bien. C’est aussi une garantie essentielle pour anticiper d’éventuels comportements à risque ou des situations litigieuses.
Droit au contrôle du loyer de sous-location
La loi impose une règle stricte : le loyer perçu par le locataire au titre de la sous-location ne doit en aucun cas excéder celui qu’il paie lui-même au propriétaire. Il s’agit d’éviter les dérives spéculatives où un locataire se transforme en exploitant touristique au détriment du bailleur.
Si cette règle est violée, le propriétaire est en droit de réclamer l’intégralité des revenus indûment perçus par le locataire. La jurisprudence française est constante sur ce point : la sous-location à but lucratif, sans accord du bailleur, constitue une faute grave pouvant justifier la résiliation du bail.
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Droit à la conservation du bien et à son usage paisible
Le propriétaire conserve un droit fondamental : celui de préserver la destination et l’intégrité de son bien. Il peut interdire toute activité commerciale ou de type hôtelier, refuser les sous-locations multiples ou prohiber l’usage abusif du logement.
Dans le cas d’une location touristique, cela comprend le respect du règlement de copropriété, l’interdiction de nuire au voisinage, le respect des horaires de silence et l’interdiction d’utiliser les parties communes à des fins professionnelles.
Clauses protectrices essentielles à insérer dans l’autorisation de sous-location
Conditions d’autorisation claires et limitatives
Pour éviter tout malentendu et préserver ses droits, le propriétaire doit définir par écrit les conditions précises dans lesquelles la sous-location est autorisée. Cela commence par la durée, qui peut être limitée à un nombre maximal de jours par an, à certaines périodes précises (comme les vacances d’été), ou encore restreinte à des week-ends. Il est également recommandé de fixer le nombre d’occupants autorisés à séjourner dans le logement en même temps, afin de prévenir les abus de type colocation déguisée ou fêtes non déclarées.
L’autorisation peut prendre la forme d’un avenant au bail ou d’un document distinct annexé au contrat initial. Elle doit, dans tous les cas, comporter une clause selon laquelle toute sous-location en dehors du cadre défini sera considérée comme une violation du bail et entraînera la suspension immédiate de l’accord.
Encadrement financier de la sous-location
Pour prévenir les dérives tarifaires, le propriétaire doit exiger que le montant demandé pour la sous-location ne dépasse jamais le loyer principal, au prorata du nombre de jours concernés. Cela signifie que si le locataire paie 900 euros de loyer mensuel, il ne peut pas proposer le logement à 100 euros la nuit sur Airbnb pendant dix jours consécutifs. Une simple règle de calcul permet de contrôler cet aspect, et doit être inscrite noir sur blanc dans l’autorisation.
Concernant les cautions, il est judicieux de préciser que toute somme demandée par le locataire au sous-locataire ne dégage pas le locataire principal de sa propre responsabilité vis-à-vis du propriétaire. En cas de dégradations, c’est bien le locataire principal qui devra prendre en charge les réparations.
Responsabilités et assurances du locataire principal
Un principe fondamental doit guider l’ensemble du dispositif : le locataire reste seul responsable envers le propriétaire, même s’il n’est pas directement à l’origine d’un dommage. Il est donc essentiel que le contrat stipule explicitement cette responsabilité pleine et entière.
Il est également indispensable d’exiger une attestation d’assurance multirisque habitation incluant une clause spécifique de sous-location. Ce type d’extension de garantie n’est pas systématique dans les contrats standards, et le propriétaire doit s’assurer qu’elle couvre les dommages matériels causés par les sous-locataires, les troubles de voisinage et les risques d’occupation temporaire.
Respect des règlements (copropriété, ville)
La sous-location ne doit pas s’effectuer en marge des règlements locaux ou du règlement de copropriété. Le locataire et ses hôtes sont tenus de respecter les règles en vigueur dans l’immeuble, notamment en matière de nuisances sonores, d’usage des parties communes ou de sécurité.
De la même manière, ils doivent se conformer aux règles d’urbanisme en vigueur dans la commune. Dans les grandes villes, cela inclut l’obligation de déclaration préalable, la taxe de séjour, ou encore le respect du quota de 120 jours maximum par an. Le propriétaire a tout intérêt à rappeler ces obligations dans son autorisation, en précisant que tout manquement pourra entraîner la révocation immédiate du droit de sous-louer.
Modalités de transmission des informations
Pour garantir une transparence totale, le contrat peut prévoir que le locataire doit transmettre au propriétaire les contrats de sous-location, les pièces d’identité des personnes accueillies, ou toute autre information permettant de vérifier la conformité de la pratique. Cette obligation de communication peut être ponctuelle (à chaque sous-location) ou périodique (une fois par trimestre).
L’objectif est clair : permettre au propriétaire de surveiller que les conditions définies sont bien respectées sans avoir à engager une procédure contentieuse dès le premier doute. C’est aussi un moyen de responsabiliser le locataire dans la gestion de son activité.
Conséquences du non-respect des clauses
Enfin, l’accord de sous-location doit comporter une clause de résiliation automatique ou de révocation immédiate de l’autorisation en cas de non-respect des conditions fixées. Ce manquement peut également constituer un motif de résiliation du bail principal si le comportement du locataire compromet la jouissance paisible du bien ou enfreint la loi.
Cette clause est essentielle pour rétablir un rapport de force clair entre propriétaire et locataire. Elle permet d’agir rapidement en cas de dérive et de rappeler que l’usage du bien ne peut se faire sans contrepartie ni contrôle.
Les risques pour le propriétaire en cas de sous-location non ou mal encadrée
Lorsqu’un propriétaire découvre que son bien est sous-loué sans son accord, ou dans des conditions floues, il se trouve souvent désarmé. Le principal problème réside dans l’absence de lien juridique entre le bailleur et le sous-locataire. En cas de dégradations, d’impayés ou de troubles, il est très difficile, voire impossible, d’engager une action directe contre le sous-locataire.
Les dommages causés au logement peuvent ne pas être couverts par l’assurance, surtout si celle-ci ne prévoit pas expressément la sous-location. Les compagnies d’assurance exigent en effet que le risque soit déclaré et le type d’occupation précisé. En cas d’occupation touristique, certains contrats peuvent même exclure toute garantie.
Les nuisances répétées causées par les allées et venues des sous-locataires peuvent générer des conflits avec le voisinage, voire des procédures à l’encontre du propriétaire. Celui-ci peut être mis en cause par la copropriété si aucune démarche n’a été faite pour encadrer la pratique.
Sur le plan réglementaire, certaines municipalités n’hésitent pas à sanctionner les propriétaires si les obligations de déclaration et de taxation ne sont pas remplies. Enfin, il faut noter que la plupart des contrats de Garantie Loyers Impayés (GLI) deviennent caducs si une sous-location non autorisée est constatée. En clair, l’investisseur peut perdre sa protection en cas de manquement, même indirect.
Comment autoriser la sous-location de manière Sécurisée
La meilleure façon de sécuriser une sous-location consiste à formaliser une autorisation claire, datée et signée, sous la forme d’un avenant au bail ou d’un acte séparé. Ce document doit reprendre les éléments suivants : identité complète des parties, adresse du bien, durée et fréquence autorisées, montant maximal de la sous-location, conditions de remise des informations, obligations d’assurance, rappel des règlements applicables, et clause de révocation.
Il peut également inclure un modèle de contrat-type de sous-location que le locataire devra utiliser pour chaque séjour. Cette approche permet de garder la main sur les modalités d’occupation, sans pour autant freiner les opportunités économiques du locataire.
Dans les situations plus complexes ou dans les grandes copropriétés, il est recommandé de consulter un avocat spécialisé en droit immobilier ou un professionnel habilité (agent immobilier, notaire). Ce dernier pourra vous aider à rédiger un document équilibré, opposable juridiquement, et tenant compte de toutes les spécificités locales ou réglementaires.
Maîtriser la sous-location pour une sérénité retrouvée
La sous-location Airbnb n’est pas une menace en soi. Elle peut même représenter un levier de souplesse ou de rentabilité partagée, à condition qu’elle soit strictement encadrée. Pour le propriétaire-bailleur, l’enjeu consiste à ne jamais subir cette pratique, mais à l’intégrer dans une relation contractuelle maîtrisée, protégée par le droit.
En exigeant une autorisation écrite, en définissant des clauses précises et en surveillant les pratiques de son locataire, le propriétaire peut éviter les litiges, sécuriser son bien, préserver la tranquillité de l’immeuble et conserver sa protection juridique. Dans un marché locatif de plus en plus mouvant, la vigilance et l’information sont les clés d’une gestion immobilière sereine et efficace.