Dépôt de garantie avec un bail commercial : le guide pratique
Le dépôt de garantie est l’outil le plus utilisé pour sécuriser un bail commercial. Bien qu’il ne soit pas obligatoire, il demeure contractuellement décisif : il prévient les impayés, couvre certaines remises en état et fixe, noir sur blanc, les conditions d’imputation et de restitution.
Problème : il est souvent confondu avec la caution, la caution bancaire ou le pas-de-porte, qui n’ont ni la même nature, ni la même fiscalité, ni les mêmes effets.
Notre guide pose les bases : définition claire, finalités réelles et principes juridiques pour rédiger une clause solide, sans mauvaises surprises au départ du locataire.
Qu’est-ce que le dépôt de garantie en bail commercial ? (définition & finalités)
Dépôt vs autres garanties
Dépôt de garantie : somme d’argent versée par le preneur à la signature, encaissable par le bailleur, destinée à sécuriser l’exécution du bail (impayés, remises en état, etc.). Restituable en fin de bail, déduction faite des sommes dues.
Cautionnement : engagement d’un tiers (simple ou solidaire) qui paiera à la place du locataire en cas de défaillance. Aucune somme versée, mais une garantie personnelle.
Caution bancaire / garantie à première demande : somme bloquée par la banque du locataire au bénéfice du bailleur ; activation sur appel selon le contrat. Coût bancaire pour le preneur.
Pas-de-porte : somme non restituable versée à l’entrée dans les lieux, assimilable à un droit d’entrée économique. Sans rapport avec une garantie restituable.
À quoi sert-il concrètement ?
Selon la clause du bail, le dépôt de garantie peut couvrir :
- Les loyers et charges impayés ;
- Les réparations et remises en état après l’état des lieux de sortie ;
- Certaines sommes dues au titre de la fiscalité locale si le bail le prévoit.
La clé : une clause rédigée précisément (objet, imputation, restitution, intérêts éventuels).
Encadrement juridique (principes)
Liberté contractuelle : le Code de commerce laisse libre la fixation du montant, de l’affectation et des modalités.
Usages de marché :
- 1 terme de loyer HT si le loyer est payé à échoir ;
- 2 termes HT si le loyer est payé à échu.
Droit commun des contrats : bonne foi, proportionnalité et justification des retenues.
Points sensibles : intérêts, TVA, restitution, justification des retenues.
Montant du dépôt : usages, plafonds pratiques, clauses types
Usages de marché
En pratique :
- 1 terme de loyer HT si paiement à échoir ;
- 2 termes HT si paiement à échu.
Ces usages ne sont pas des plafonds légaux et s’adaptent au risque locatif.
Clauses à prévoir
- Objet couvert : loyers, charges, réparations, fiscalité refacturable.
- Affectation : modalités d’imputation + justificatifs.
- Réapprovisionnement : reconstitution du dépôt en cours de bail.
- Non-novatoire : le dépôt n’est ni un paiement anticipé ni un plafond de responsabilité.
- Compensation possible entre créances certaines et exigibles.
- Restitution : délai raisonnable, justificatifs, état des lieux.
Focus « intérêts obligatoires »
Si le dépôt dépasse 2 termes de loyer HT lorsque le loyer est à échoir, le bailleur doit des intérêts au taux « avances sur titres » de la Banque de France sur la partie excédentaire.
Une clause supprimant ces intérêts serait réputée non écrite.
Intérêts : quand, combien, comment ?
Déclenchement
Les intérêts sont dus :
- uniquement sur la part excédant 2 termes HT ;
- uniquement si le loyer est payé à échoir ;
- au moment de la restitution (ou de la dernière imputation).
Méthode de calcul
Formule : Base × Taux annuel × (jours / 365)
Cas 1 – Dépôt excédentaire constant
Dépôt : 9 000 € / Seuil : 6 000 € → Excédent : 3 000 €
Taux BdF : 2,5 % / Durée : 36 mois
Intérêts = 3 000 × 0,025 × 3 = 225 €
Cas 2 – Excédent variable
Excédent 6 000 € pendant 8 mois = 100 €
Excédent 3 000 € pendant 10 mois = 62,50 €
Total = 162,50 €
Conservez : bail, calcul détaillé, taux BdF, justificatifs.
TVA & fiscalité du dépôt de garantie
TVA
À l’entrée : pas de TVA (simple dépôt restituable).
En cas de conservation : la part retenue suit la TVA de la créance couverte :
- loyers/charges → TVA collectée ;
- réparations → TVA selon facture ;
- indemnités → TVA selon qualification.
Fiscalité bailleur / preneur
Bailleur : le dépôt n’est imposable que s’il est acquis.
Preneur : actif immobilisé ; intérêts reçus imposables.
Principes comptables (PCG)
Entrée :
Bailleur : 512 / 165
Preneur : 275 / 512
Restitution :
Bailleur : 165 / 512
Preneur : 512 / 275
Conservation pour impayés : 706 + TVA (ou comptes équivalents).
Restitution : délais, procédure, imputation & litiges
Quand restituer ?
Aucun délai légal strict : bon usage = 2 à 3 mois après état des lieux + soldes des charges.
En cas de vente du local : le bailleur qui détient le dépôt le restitue (sauf clause contraire).
Procédure de sortie
- État des lieux contradictoire (obligatoire loi Pinel) ;
- Relevés de compteurs ;
- Décompte clair : loyers/charges/impôts/réparations ;
- Justificatifs joints.
Imputation
Ordre logique :
- loyers et charges impayés ;
- impôts refacturables ;
- réparations sur justificatifs.
Litiges
En cas de retard ou retenue injustifiée :
- mise en demeure ;
- référé-provision au tribunal judiciaire ;
- intérêts moratoires possibles.
Articuler dépôt de garantie et autres sécurités
Cautionnement (simple/solidaire)
Intérêt : renforcer la sécurité en impliquant un tiers.
Bonnes pratiques :
- plafond chiffré ;
- durée ;
- mentions manuscrites si garant personne physique ;
- vérification solvabilité.
Caution bancaire / Garantie à première demande (GAPD)
Sécurité très élevée : la banque paie sur demande (sauf fraude).
Coût : immobilisation + commission (1 à 3 %/an).
Pas-de-porte vs dépôt de garantie
Pas-de-porte : somme non restituable, impact fiscal important.
Dépôt de garantie : somme restituable, hors TVA à l’entrée.
Les deux peuvent coexister mais doivent être clairement distingués dans le bail.
