La constitution d’un dossier de location est une étape clé dans toute mise en location. Pour le propriétaire bailleur, il s’agit de sécuriser son investissement en vérifiant la solvabilité et la situation du futur locataire. Pour le candidat à la location, c’est souvent un moment sensible, tant les demandes de documents peuvent paraître intrusives.
Depuis près de dix ans, le législateur a précisément encadré cette pratique afin de trouver un équilibre entre la sécurisation du bail et le respect de la vie privée. En 2025, les règles applicables reposent toujours sur un socle juridique clair, renforcé par les principes du RGPD et par une jurisprudence désormais bien établie.
Contrairement à certaines idées reçues, un bailleur ne peut pas demander n’importe quel document. La liste des pièces justificatives autorisées est strictement définie par la loi, et toute dérive peut exposer à des sanctions pénales.
Un cadre légal fixé depuis 2015 et toujours en vigueur en 2025
La référence centrale en matière de dossier locatif reste le décret n°2015-1437 du 5 novembre 2015, pris en application de la loi ALUR et codifié à l’article 22-2 de la loi du 6 juillet 1989. Ce texte, entré en vigueur le 8 novembre 2015, n’a pas été abrogé et demeure pleinement applicable en 2025.
Son objectif est clair. Il s’agit d’empêcher les abus constatés dans certaines zones tendues, où des candidats se voyaient réclamer des documents sans rapport avec leur capacité à louer un logement, comme des relevés bancaires détaillés ou des informations médicales.
Désormais, le propriétaire bailleur ne peut exiger que des documents strictement listés par le décret, et uniquement pour vérifier quatre éléments précis : l’identité, le domicile, la situation professionnelle et les ressources du locataire et, le cas échéant, de son garant.
Les documents que le bailleur est autorisé à demander
En pratique, la loi laisse une certaine marge de manœuvre au bailleur, mais dans un cadre strict. Il ne s’agit pas d’exiger systématiquement tous les documents possibles, mais de sélectionner ceux qui sont pertinents au regard du profil du candidat.
Pour établir l’identité du locataire, une pièce officielle en cours de validité peut être demandée:
- Carte nationale d’identité,
- Passeport,
- Permis de conduire.
La copie doit être lisible, mais le bailleur ne peut en aucun cas en faire un usage autre que l’étude du dossier.
Concernant le domicile actuel, la loi autorise notamment la demande :
- des trois dernières quittances de loyer,
- d’un avis de taxe foncière pour un ancien propriétaire,
- d’une attestation d’hébergement accompagnée des justificatifs de l’hébergeant.
Ces éléments permettent de retracer le parcours résidentiel du candidat sans aller au-delà de ce qui est nécessaire.
La vérification de la situation professionnelle est également encadrée :
- le contrat de travail,
- une attestation employeur,
- une carte étudiante
- un extrait Kbis peuvent être demandés selon le statut du locataire.
L’objectif est simplement de confirmer l’existence d’une activité ou d’un statut stable, et non d’évaluer la carrière ou les perspectives personnelles du candidat.
Enfin, la question des ressources est centrale dans l’analyse du dossier. Le décret autorise :
- les trois derniers bulletins de salaire,
- du dernier ou avant-dernier avis d’imposition,
- documents équivalents selon la nature des revenus.
Ces pièces permettent d’évaluer la capacité du locataire à assumer le paiement du loyer et des charges.
Des documents adaptés au profil du locataire
La loi reconnaît que tous les locataires ne présentent pas le même profil. Les pièces exigibles varient donc selon la situation professionnelle et personnelle du candidat.
Pour un salarié, le contrat de travail constitue la référence principale. À défaut, une attestation de l’employeur peut être acceptée, notamment lorsque le contrat n’est pas immédiatement disponible. Les bulletins de salaire récents permettent de compléter l’analyse des revenus.
Les étudiants et apprentis bénéficient d’un régime spécifique. Une carte étudiante ou un certificat de scolarité suffit à justifier leur statut. En cas de bourse ou de gratification de stage, un document attestant du versement peut être demandé. Lorsque l’étudiant est hébergé à titre gratuit, une attestation sur l’honneur de l’hébergeant est admise, accompagnée de justificatifs de domicile.
Pour les retraités, la loi autorise la demande d’un document attestant de la perception d’une pension, avec indication de son montant. Cela permet d’évaluer la stabilité des ressources sans exiger d’informations excessives.
Les demandeurs d’emploi peuvent se voir demander une attestation France Travail, anciennement Pôle emploi, précisant le montant de l’allocation perçue, ainsi que les dernières attestations de paiement. Là encore, l’objectif est strictement financier.
Enfin, les travailleurs indépendants, chefs d’entreprise ou professions libérales présentent des situations plus complexes. Le bailleur peut demander un extrait Kbis ou D1 de moins de trois mois, un bilan comptable récent ou, à défaut, une attestation de ressources établie par un expert-comptable. La loi limite cependant le nombre de bilans exigibles afin d’éviter toute dérive.
Les documents strictement interdits par la loi
Le décret de 2015 ne se contente pas d’énumérer les pièces autorisées. Il interdit expressément toute demande sortant de ce cadre. Cette interdiction est d’ordre public et ne peut être contournée, même avec l’accord apparent du candidat.
Ainsi, il est formellement interdit de réclamer des documents bancaires tels que des relevés de compte, des attestations de bonne tenue bancaire ou des autorisations de prélèvement. Ces éléments relèvent de la vie privée et n’apportent aucune garantie supplémentaire quant au paiement du loyer.
La demande de carte Vitale, de dossier médical ou de toute information relative à la santé du locataire est également prohibée. Il en va de même pour un extrait de casier judiciaire, un contrat de mariage ou une attestation de vie commune.
La loi interdit également les pratiques financières abusives. Aucun chèque de réservation, aucun mandat cash et aucun versement anticipé ne peuvent être exigés avant la signature du bail. Ces pratiques restent malheureusement fréquentes et constituent des infractions pénales.
Enfin, le bailleur ne peut exiger une photographie supplémentaire, autre que celle figurant sur la pièce d’identité, ni multiplier les bilans comptables au-delà de ce que prévoit le texte.
Des sanctions pénales en cas de non-respect
Le non-respect des règles encadrant le dossier de location n’est pas anodin. L’article 22-2 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit une amende pénale pouvant atteindre 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.
Au-delà de l’aspect financier, ces pratiques peuvent fragiliser juridiquement le bailleur en cas de contentieux ultérieur. Un dossier constitué de manière irrégulière peut être invoqué par le locataire devant le juge.
Discrimination et protection des données personnelles
La sélection d’un locataire doit également respecter les principes de non-discrimination. L’origine, le sexe, la situation familiale, l’état de santé, l’orientation sexuelle ou les convictions religieuses ne peuvent en aucun cas entrer en ligne de compte.
Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur du RGPD, le bailleur est responsable du traitement des données personnelles contenues dans les dossiers de location. Il doit limiter leur conservation dans le temps, sécuriser leur stockage et les détruire une fois la sélection effectuée.
Faux dossiers : un risque bien réel pour les bailleurs
La falsification des pièces justificatives est devenue un enjeu majeur du marché locatif, en particulier dans les zones tendues. Bulletins de salaire modifiés, faux avis d’imposition ou attestations employeur falsifiées sont désormais courants.
Face à ce risque, de nombreux bailleurs s’équipent d’outils de vérification et adoptent des procédures rigoureuses, tout en restant dans le cadre légal. Une analyse attentive de la cohérence des documents reste aujourd’hui l’un des meilleurs moyens de sécuriser une location.
Bien constitué, conforme à la loi et vérifié avec méthode, le dossier de location demeure l’un des piliers d’une gestion locative sereine et juridiquement sécurisée.
