Dégradations du logement par le locataire : comment réagir pour se faire rembourser

Retrouver son logement dégradé à la sortie d’un locataire est l’un des cauchemars les plus redoutés par les propriétaires. Murs détériorés, installations abîmées, mobilier cassé, humidité liée à un défaut d’aération… La remise en état peut vite représenter des centaines, voire des milliers d’euros. Le problème devient encore plus complexe lorsque le locataire refuse d’assumer sa responsabilité ou nie l’existence des dégradations, obligeant le bailleur à suivre un parcours juridique strict.

Pourtant, la loi est très claire : le locataire doit répondre des dégradations qu’il cause, sauf usure normale ou force majeure. Les recours existent, mais ils doivent être utilisés dans le bon ordre pour éviter les erreurs et la perte de temps.

Identifier ce qui relève d’une vraie dégradation

La distinction entre usure normale et dégradation imputable au locataire est déterminante. L’usure normale correspond à l’altération naturelle d’un logement : une peinture légèrement ternie, un parquet qui se patine, un joint qui vieillit. Ces éléments ne peuvent pas être facturés.

Les dégradations, elles, résultent d’un usage anormal ou négligent : murs troués, vitres fissurées, meubles arrachés, électroménager détérioré par mésusage, traces d’humidité dues à un manque d’aération. Dans ces cas-là, la responsabilité du locataire est engagée, comme le rappelle l’article 7c de la loi du 6 juillet 1989.

Cette différence est essentielle, car elle conditionne la possibilité de réclamer des réparations. Un juge apprécie toujours les faits au regard de cette frontière.

L’état des lieux : la preuve principale

Pour agir, le bailleur doit disposer d’une comparaison solide entre l’état des lieux d’entrée et celui de sortie. Ce document, souvent sous-estimé, détermine toute la suite du processus.

Un état des lieux imprécis ou incomplet laisse une marge de contestation énorme au locataire. À l’inverse, un document détaillé, appuyé de photos horodatées, rend la démonstration quasi irréfutable. Les outils numériques d’état des lieux, maintenant largement répandus, permettent de créer une trace datée, structurée et difficilement contestable. Leur usage est devenu quasi indispensable pour éviter les litiges.

Si le locataire refuse de signer l’état des lieux de sortie, il faut le mentionner dans le document et conserver toutes les preuves. Cette mention protège le bailleur en cas de procédure.

Retenir le dépôt de garantie : une première réponse immédiate

Le dépôt de garantie a été créé pour couvrir précisément les dégradations locatives. Lorsque celles-ci sont évidentes et prouvées, le bailleur peut retenir la totalité du dépôt — dans la limite légale d’un mois pour une location vide et de deux mois pour une meublée.

Cependant, cette retenue doit être justifiée de manière irréprochable. Le bailleur doit expliquer au locataire ce qui est retenu et pourquoi, en transmettant les photos, l’état des lieux comparatif et les devis ou factures. La transparence est essentielle : un juge annule rapidement une retenue non justifiée ou insuffisamment détaillée.

Même lorsque les dégâts dépassent largement le dépôt, il ne s’agit que d’une première étape. Le solde doit faire l’objet d’une procédure spécifique.

La mise en demeure : formaliser la réclamation

Lorsque le dépôt ne suffit pas à couvrir les travaux, le bailleur doit envoyer une mise en demeure. Cette étape marque le passage d’une simple réclamation amiable à une démarche juridique formelle.

La mise en demeure décrit les dégradations, les montants réclamés et les éléments de preuve. Elle fixe un délai pour payer et rappelle la base légale de la demande. Envoyée en recommandé, elle sert de point de départ officiel pour la suite du litige.

Si le locataire n’a pas communiqué sa nouvelle adresse, la lettre doit être envoyée au logement quitté, ce que la jurisprudence considère comme suffisant.

La caution, lorsqu’elle existe, doit également recevoir la mise en demeure. Cette étape provoque souvent un règlement rapide, car la caution comprend qu’elle s’expose à une procédure en cas d’inaction.

Faire intervenir les garanties : GLI ou Visale

Le bailleur peut activer les protections qui avaient été prévues au contrat.

S’il a souscrit une assurance loyers impayés, celle-ci couvre très fréquemment les dégradations immobilières. Les assurances demandent des pièces précises (états des lieux, devis, photos), mais une fois le dossier constitué, le remboursement est généralement rapide.

La Garantie Visale, gérée par Action Logement, couvre depuis sa mise à jour les dégradations dans le parc privé, dans la limite de deux mois de loyers charges comprises. Le bailleur dispose d’un délai de 60 jours pour déclarer les dégâts sur la plateforme. L’indemnisation fonctionne selon un processus encadré et offre une sécurité complémentaire.

Enfin, l’assurance habitation du locataire peut intervenir dans certains sinistres spécifiques (incendie, dégât des eaux causé par sa négligence), mais pas pour les dégradations locatives au sens classique. Une demande peut toutefois être formulée si le sinistre relève d’une garantie contractuelle.

La conciliation : un recours moderne, rapide et gratuit

La conciliation est aujourd’hui l’une des solutions les plus efficaces pour régler un litige sans passer devant un juge. Le bailleur peut saisir la Commission départementale de conciliation ou un conciliateur de justice, en présentiel ou via la plateforme justice.fr.

La conciliation offre un cadre neutre pour discuter et trouver un accord. Le locataire se retrouve face à un tiers qui rappelle la loi et vérifie les preuves. Dans les dossiers bien construits, l’accord est fréquent, car le locataire comprend que sa position n’est pas défendable.

L’accord de conciliation peut être homologué et acquiert alors la valeur d’un jugement, ce qui permet d’obtenir un recouvrement forcé en cas de non-respect.

La saisine du tribunal judiciaire : l’ultime recours

Si aucune solution amiable ne fonctionne, le bailleur peut saisir le tribunal judiciaire du lieu du logement. Depuis 2024, la procédure est beaucoup plus simple : elle peut se faire en ligne, au greffe ou par assignation via un commissaire de justice.

Le juge examine les preuves, compare les états des lieux et apprécie si les sommes réclamées sont justifiées. Lorsque le dossier est complet et solide, la condamnation du locataire est fréquente. Le juge peut également condamner la caution si elle s’était engagée.

Une fois la décision rendue, le bailleur peut procéder à une saisie sur salaire ou sur compte bancaire, ce qui assure le recouvrement même lorsque le locataire est parti.

Comment prévenir les dégradations à l’avenir ?

La prévention commence dès la signature du bail. Une sélection rigoureuse du locataire, la vérification de son assurance habitation, la réalisation d’un état des lieux numérique précis et la possibilité d’effectuer une visite périodique (si prévue au bail) permettent d’éviter les dérives.

Les matériaux choisis pour le logement comptent également : peintures lessivables, équipements robustes, sols résistants. Ces choix limitent les risques de litiges et facilitent les réparations.

Enfin, le bailleur a intérêt à se protéger via une garantie adaptée : assurance loyers impayés complète ou Garantie Visale selon le profil du locataire.

Les dégradations locatives sont un risque réel, mais les bailleurs disposent aujourd’hui de recours solides et d’outils modernisés pour obtenir réparation. Un état des lieux rigoureux, une mise en demeure bien rédigée, l’activation des garanties, la conciliation et, en dernier ressort, la saisine du tribunal permettent d’agir efficacement.

La clé réside dans la preuve, la méthode et la réactivité.
Un bailleur préparé récupère presque toujours les sommes dues.