Régularisation des charges locatives après départ du locataire : que faire si le locataire ne veut pas payer ?
Dans de nombreux cas, la régularisation des charges locatives intervient après le départ du locataire. Ce décalage s’explique notamment par le fonctionnement des copropriétés, où les comptes annuels ne sont arrêtés qu’à une date fixe, souvent bien après la fin du bail. Résultat : le propriétaire peut se retrouver à devoir réclamer un complément de charges à un ancien locataire… parfois plusieurs mois après son départ.
Si cette situation est fréquente, elle n’en est pas moins source de conflits, surtout lorsque l’ancien occupant refuse de régler la somme due. Pourtant, la loi encadre très clairement cette procédure et offre plusieurs recours au bailleur pour faire valoir ses droits. Voici tout ce que vous devez savoir pour gérer correctement la régularisation des charges locatives après le départ du locataire.
Pourquoi la régularisation des charges peut intervenir après le départ du locataire ?
Lorsqu’un locataire quitte le logement avant la clôture annuelle des comptes, il est impossible pour le bailleur de procéder immédiatement à la régularisation des charges. Cette situation est très fréquente dans les immeubles en copropriété, où le syndic établit l’arrêté des comptes à date fixe, généralement plusieurs mois après la fin de l’année civile.
Pendant la durée du bail, les charges sont souvent versées sous forme de provision mensuelle, calculée de manière prévisionnelle. Ce n’est qu’une fois les dépenses réelles connues (chauffage, entretien, taxes, etc.) que le bailleur peut comparer le total payé par le locataire avec le montant réellement dû.
Deux cas de figure peuvent alors se présenter :
- Si le locataire a trop payé, le bailleur doit lui rembourser le trop-perçu ;
- Si le locataire n’a pas payé assez, le bailleur est en droit de réclamer le solde, même après son départ.
La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, qui encadre les rapports locatifs, ne fait pas obstacle à cette régularisation tardive. Au contraire, elle prévoit un délai de prescription de 3 ans à compter de la régularisation annuelle des charges pour réclamer les sommes dues.
Ce délai s’applique aussi bien à un remboursement qu’à une somme complémentaire à verser par le locataire. Il est donc tout à fait légal de régulariser les charges locatives après le départ du locataire, à condition de respecter les étapes et de pouvoir justifier les montants demandés.
Que peut retenir le bailleur sur le dépôt de garantie dans l’attente de la régularisation ?
Lorsque le locataire quitte le logement, le propriétaire dispose d’un délai légal d’un mois pour restituer le dépôt de garantie, à condition qu’aucune retenue ne soit justifiée. Mais que faire si la régularisation des charges locatives ne peut pas encore être effectuée au moment du départ, car l’arrêté de comptes n’est pas encore disponible ?
Dans ce cas, le bailleur est autorisé à conserver une partie du dépôt de garantie, à hauteur de 20 % maximum, en attendant la réception du décompte annuel des charges.
Ce que dit la loi :
- Cette possibilité est précisée par la loi ALUR (article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989).
- Elle ne s’applique que si la régularisation n’a objectivement pas pu être faite au moment du départ (par exemple : copropriété n’ayant pas encore transmis les comptes).
- Le montant retenu doit être proportionnel à la période d’occupation du logement pendant l’année incomplète (ex. : 4 mois sur 12).
Une fois l’arrêté des comptes fourni par le syndic, le bailleur doit procéder à la régularisation définitive :
- Si le montant conservé excède la somme réellement due : il doit reverser le trop-perçu à l’ancien locataire.
- Si la somme due est supérieure à ce qui a été retenu : il peut alors réclamer le complément au locataire.
Cette pratique permet au bailleur de se couvrir partiellement tout en respectant ses obligations légales. Il est néanmoins recommandé d’en informer le locataire dès l’état des lieux de sortie, pour éviter toute contestation.
Comment prouver que les charges restent dues après le départ ?
Pour pouvoir réclamer un complément de charges à un ancien locataire, le bailleur doit être en mesure de fournir un décompte détaillé et justifié des sommes dues. Ce document est essentiel, à la fois pour asseoir la légitimité de la demande et pour se prémunir contre un éventuel litige.
Le décompte des charges doit comprendre :
- Le montant total des provisions déjà versées par le locataire ;
- Le montant réel des charges récupérables, sur la base des dépenses effectivement engagées ;
- La période de location couverte, calculée au prorata du temps d’occupation du locataire sur l’année ;
- La méthode de répartition des charges si le logement est situé en copropriété.
À ce document principal doivent s’ajouter des justificatifs, que le bailleur est tenu de conserver et de mettre à disposition pendant six mois à compter de l’envoi du décompte. Cela inclut notamment :
- Les factures d’énergie, d’entretien, d’eau, d’ascenseur… ;
- Le budget prévisionnel de la copropriété ;
- Les relevés transmis par le syndic ;
- Une note explicative sur les charges de chauffage collectif et d’eau chaude, si applicable.
Bon à savoir :
La loi ne définit pas précisément les pièces à produire, mais en pratique, ces documents doivent permettre au locataire de vérifier la régularité du calcul. Sans eux, la demande du bailleur risque d’être contestée.
Conseil : si le locataire ne peut pas consulter les justificatifs sur place, le bailleur peut proposer un envoi scanné par email ou une mise à disposition dans l’espace locataire s’il utilise une solution de gestion en ligne.
Comment réclamer le complément de charges à l’ancien locataire ?
Une fois la régularisation effectuée et le solde dû établi, le bailleur peut formellement demander le paiement du complément de charges au locataire sortant. Pour cela, il convient de respecter une démarche progressive, documentée et juridiquement cadrée.
1. Envoyer une demande amiable
Commencez par une lettre simple ou un email rappelant les éléments suivants :
- Le détail du décompte de charges,
- Le montant exact restant dû,
- Le délai souhaité pour le règlement (souvent 15 jours),
- Les coordonnées de contact pour toute question.
Ce rappel amiable permet de résoudre une majorité de cas sans conflit, surtout si vous avez prévenu le locataire dès son départ qu’une régularisation différée aurait lieu.
2. Adresser une mise en demeure
En l’absence de réponse ou de paiement, adressez une mise en demeure par courrier recommandé avec accusé de réception, qui fera foi en cas de procédure ultérieure. Celle-ci doit :
- Répéter les informations essentielles (montant, motif, documents en annexe) ;
- Fixer une nouvelle échéance de paiement (par exemple, 15 jours) ;
- Informer du recours possible à des voies de droit si aucun règlement n’est effectué.
📄 Modèle conseillé :
« Je vous informe qu’à la suite de la régularisation des charges locatives de l’année [année], un solde de [montant] € reste dû, calculé selon les dépenses réelles constatées et les provisions déjà versées. Vous trouverez ci-joint le détail du calcul ainsi que les justificatifs correspondants. En l’absence de paiement sous 15 jours, je me verrai contraint d’envisager des mesures adaptées pour recouvrer cette somme. »
3. Proposer un paiement échelonné (optionnel)
Si le montant est conséquent, vous pouvez proposer un échéancier amiable, notamment si le locataire est de bonne foi. La loi ALUR prévoit qu’en cas de régularisation tardive (plus d’un an après l’exigibilité), le locataire peut exiger un étalement du paiement sur 12 mois.
Cette approche souple peut désamorcer un conflit tout en assurant le recouvrement effectif des sommes dues.
Quels recours en cas de refus de paiement ?
Si, malgré vos relances et votre mise en demeure, l’ancien locataire refuse toujours de payer le complément de charges, plusieurs recours s’offrent à vous. Ces démarches sont graduelles et permettent d’agir sans précipitation tout en restant dans le cadre légal.
1. Saisir la commission départementale de conciliation
La première option consiste à faire appel à la commission départementale de conciliation (CDC). Cette instance, gratuite, vise à trouver un accord amiable entre bailleur et locataire.
Vous pouvez la saisir par courrier recommandé avec accusé de réception en expliquant :
- L’objet du litige (régularisation post-départ) ;
- Le montant réclamé et son justificatif ;
- Les démarches déjà entreprises.
Bon à savoir : l’avis rendu par la commission n’a pas de valeur contraignante, mais il peut avoir un poids moral important dans la résolution du conflit.
2. Saisir le tribunal judiciaire
Si la conciliation échoue ou si le locataire ne donne aucun signe de réponse, vous pouvez saisir le tribunal judiciaire du lieu de situation du logement pour lancer une procédure de recouvrement.
Il existe deux options :
- L’injonction de payer, procédure simplifiée, rapide et peu coûteuse, particulièrement adaptée aux créances incontestables comme une régularisation de charges.
- L’action au fond, si le litige est complexe ou contesté.
Délai à respecter : vous disposez d’un délai de 3 ans à compter de la date de régularisation (et non de la fin du bail) pour engager une action en justice, conformément à la prescription triennale prévue par la loi du 6 juillet 1989.
3. Proposer un arrangement avant contentieux
Avant toute procédure judiciaire, il peut être judicieux de reformuler une dernière proposition amiable, par exemple :
- un paiement échelonné ;
- ou un abandon partiel de la créance si les relations locatives ont été de bonne foi et que le solde est modeste.
Cette approche peut désamorcer une situation conflictuelle tout en préservant vos droits et éviter une procédure longue et coûteuse.
Que risque le bailleur en cas de régularisation tardive ou abusive ?
Si la régularisation des charges locatives est un droit pour le bailleur, elle est aussi encadrée par un devoir de transparence et de loyauté. En cas de régularisation mal exécutée — trop tardive, non justifiée ou manifestement déséquilibrée — le juge peut sanctionner le bailleur, voire rejeter sa demande.
Cas où la régularisation peut être refusée par le juge
- Le bailleur n’a pas effectué de régularisation annuelle pendant plusieurs années, en violation de son obligation.
- Le locataire a sollicité une régularisation à plusieurs reprises, sans réponse.
- Le montant réclamé est très élevé, sans justificatifs suffisants ni communication préalable.
- La régularisation est intervenue brutalement après la fin du bail, sans avertissement.
En droit, ces situations peuvent être considérées comme contraires à l’exécution de bonne foi du contrat (article 1104 du Code civil) ou assimilées à une faute du bailleur.
Respecter le calendrier annuel
La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 impose au bailleur de procéder à une régularisation annuelle des charges, sauf impossibilité objective (par exemple, retard de l’arrêté des comptes du syndic). Ne pas le faire pendant plusieurs exercices successifs peut être interprété comme une carence volontaire.
Nos conseils pour éviter les litiges :
- Conservez une traçabilité des échanges avec le locataire (demandes, réponses, relances).
- Anticipez les régularisations en prévenant en amont lors du départ du locataire.
Proposez, si nécessaire, un échelonnement du solde dû ou un document explicatif accompagnant le décompte.