Mon locataire est parti sans faire l’état des lieux de sortie : comment réagir ?

Vous aviez prévu un rendez-vous pour l’état des lieux de sortie, et votre locataire ne vient pas. Ou pire, il vous annonce qu’il quitte le logement “quand il veut”, sans signature, sans comparaison avec l’état des lieux d’entrée.

Dans une location d’habitation, ce document n’est pas une formalité administrative. C’est la pièce centrale qui sécurise la fin du bail, la restitution des clés et, souvent, la question sensible du dépôt de garantie. Alors, que faire quand le locataire part sans état des lieux de sortie, ou refuse de le réaliser ?La réponse tient en trois mots : méthode, preuves, droit.

L’état des lieux de sortie : ce que dit la loi (et pourquoi c’est déterminant)

En principe, l’état des lieux est établi contradictoirement, c’est-à-dire en présence du bailleur (ou de son représentant) et du locataire. Il décrit le logement et constate son état de conservation, afin de pouvoir le comparer à la situation constatée lors de l’entrée dans les lieux.

Cette comparaison a une conséquence très concrète : c’est sur cette base que l’on distingue ce qui relève d’une dégradation imputable au locataire de ce qui relève de la vétusté ou de l’usure normale. Le décret de 2016 encadre le contenu minimal, la logique de comparaison et les modalités pratiques (document unique ou documents distincts comparables, conditions permettant la vérification, etc.).

La loi du 6 juillet 1989 prévoit aussi une solution lorsque l’état des lieux ne peut pas être établi de manière contradictoire. Dans ce cas, il peut être établi par un commissaire de justice (ex-huissier), sur l’initiative de la partie la plus diligente, avec des frais partagés par moitié et un coût fixé par texte.

Locataire absent ou refusant l’état des lieux : quelles conséquences juridiques ?

Le premier réflexe à éviter est d’improviser un “état des lieux” unilatéral en espérant qu’il fasse foi. Un document rédigé seul, sans accord du locataire, sera beaucoup plus fragile en cas de contestation, surtout si vous l’utilisez pour justifier une retenue sur le dépôt de garantie.

Le problème est essentiellement une question de preuve. Si vous retenez des sommes pour des réparations, vous devez pouvoir démontrer l’existence des dégradations, leur imputabilité au locataire et le fait qu’elles ne relèvent pas de la simple vétusté.

Il existe bien une règle du Code civil souvent citée lorsque l’on parle d’absence d’état des lieux. L’article 1731 prévoit qu’en l’absence d’état des lieux, le preneur est présumé avoir reçu les lieux en bon état de réparations locatives, sauf preuve contraire.

Mais attention à l’effet “fausse sécurité”. Dans la pratique, un litige de fin de bail se gagne rarement avec une phrase de principe, et se perd souvent faute de preuves solides, datées, et opposables.

Avant d’agir, identifiez le scénario exact : tout dépend des clés et des échanges

Scénario 1 : le locataire ne vient pas au rendez-vous, mais rend les clés

Vous aviez fixé une date, vous êtes présent, et le locataire est absent. Si les clés sont rendues (en main propre, via agence, ou même déposées selon un accord écrit), la sortie du locataire est généralement actée, mais l’état du logement reste à sécuriser.

Ici, l’urgence est probatoire. Vous devez être capable de montrer que vous avez proposé un rendez-vous sérieux, que le locataire a été informé, et que l’état des lieux contradictoire est devenu impossible malgré vos démarches.

Scénario 2 : le locataire refuse l’état des lieux ou ne répond plus

Le refus explicite ou le silence prolongé vous place dans une situation typique prévue par la loi. C’est précisément dans ce cas qu’intervient la solution du commissaire de justice, parce qu’elle remplace l’accord des parties par une procédure encadrée. Votre rôle est de documenter le blocage.

Sans tomber dans l’escalade, vous posez un calendrier clair, vous relancez, et vous gardez une trace des messages et courriers.

Scénario 3 : le locataire part sans rendre les clés

Ce cas est différent, car il ne s’agit plus seulement d’un état des lieux manquant. La non-restitution des clés peut empêcher la reprise pleine et entière du logement, compliquer la remise en location et exposer à des situations conflictuelles.

Ici aussi, la première étape reste la preuve. Vous devez pouvoir dater les échanges, constater l’absence de remise des clés, et formaliser votre demande de restitution.

La bonne réaction, étape par étape, pour sécuriser votre dossier

Commencez par reconstituer un “fil” chronologique incontestable. Rassemblez la convocation au rendez-vous, les emails, SMS, captures de messagerie, et tout élément montrant la date proposée et votre présence.

Ensuite, formalisez. Une lettre recommandée avec accusé de réception rappelant le rendez-vous manqué, proposant un nouveau créneau, et indiquant qu’à défaut l’état des lieux sera établi par commissaire de justice, pose un cadre clair et sérieux.

Vous pouvez, en parallèle, prendre des photographies et vidéos datées, et relever les compteurs si vous y avez accès. Mais il faut être lucide : ces éléments peuvent aider, ils ne remplacent pas un constat opposable lorsqu’un litige se profile.

Si le locataire ne coopère pas, l’étape décisive consiste à déclencher la procédure prévue par la loi : faire établir l’état des lieux par un commissaire de justice. Cela transforme une situation bloquée en procédure encadrée, avec une convocation, une date, et un document qui s’impose aux parties.

Le recours au commissaire de justice : comment ça se passe (et pourquoi c’est souvent la meilleure option)

La loi prévoit que, si l’état des lieux ne peut pas être établi dans les conditions normales, il est établi par un commissaire de justice. La partie “la plus diligente” peut l’initier, ce qui veut dire, concrètement, celle qui ne veut pas rester bloquée.

Le commissaire de justice doit prévenir le locataire et le bailleur au moins sept jours à l’avance, par lettre recommandée avec accusé de réception. Et même si l’une des parties ne se présente pas, il peut établir un constat, dont les constatations s’imposent aux deux parties.

Sur le terrain, c’est un avantage majeur. Vous évitez le face-à-face stérile, vous sécurisez la description de l’état du logement, et vous obtenez un document robuste si un litige naît sur les réparations.

Combien ça coûte et qui paie ? Le principe du partage par moitié

Le principe posé par la loi est simple : les frais sont partagés par moitié entre bailleur et locataire lorsque le commissaire de justice intervient parce que l’état des lieux contradictoire n’a pas pu être fait. Le coût est encadré par des textes, et le détail dépend notamment de la surface du logement. Pour rester factuel, le plus sûr est de renvoyer au barème officiel et à l’explication publique du mécanisme.

Le site du Service-Public rappelle le principe de convocation et le fait que le commissaire de justice peut dresser le constat même en l’absence du locataire.

Dépôt de garantie : peut-on retenir quelque chose sans état des lieux de sortie ?

La question revient systématiquement : si le locataire refuse l’état des lieux, puis-je retenir le dépôt de garantie “par précaution” ? En pratique, la retenue n’a de sens que si elle est justifiable, documentée, et proportionnée.

Sans état des lieux de sortie contradictoire, votre position devient plus risquée si le locataire conteste. À l’inverse, un état des lieux établi par commissaire de justice vous donne une base factuelle solide pour discuter de travaux, de nettoyage, et de réparations, tout en distinguant ce qui relève de la vétusté.

Retenir sans preuve, c’est souvent ouvrir la porte à un conflit qui vous coûtera plus cher en énergie et en temps que la démarche de sécurisation.

Et si vous devez aller plus loin, le juge regardera d’abord les pièces et la cohérence du dossier, pas les impressions.

Prévenir le problème dès le bail : la meilleure défense reste l’anticipation

Un bon état des lieux de sortie commence, en réalité, le jour de l’entrée. Plus l’état des lieux d’entrée est précis, daté, complet, conforme aux exigences du décret, plus la comparaison de fin de bail sera simple.

Le décret de 2016 impose une logique de comparaison et un contenu minimal. Il encadre aussi la forme des documents afin de permettre une lecture “avant/après” et d’éviter les zones grises.

Dans la vie réelle, l’anticipation passe aussi par une organisation pratique. Fixer le rendez-vous d’état des lieux de sortie suffisamment tôt, rappeler par écrit les modalités de remise des clés et prévoir des échanges traçables réduit fortement les “disparitions” de dernière minute.

Et si le litige démarre quand même : conciliation et délais à connaître

Lorsque le désaccord porte sur des sommes retenues, l’état du logement ou la restitution du dépôt de garantie, la solution n’est pas toujours de judiciariser immédiatement. Selon les cas, un échange formalisé et une démarche de conciliation peuvent permettre de sortir du conflit sans s’enfermer dans une procédure longue.

Gardez aussi en tête qu’un litige locatif s’inscrit dans un cadre de délais.

Sur les rapports locatifs, les notaires rappellent notamment le régime de prescription attaché à la loi de 1989, fréquemment évoqué dans les litiges bailleur-locataire.

Ne restez pas bloqué, sécurisez la preuve

Un locataire qui part sans état des lieux de sortie ne signifie pas que vous êtes sans recours. Mais cela signifie que vous devez agir avec méthode, en privilégiant la preuve et les procédures prévues par la loi.

Si la voie amiable échoue, le commissaire de justice est la solution la plus robuste pour établir un état des lieux opposable, malgré l’absence ou le refus du locataire.

C’est souvent le meilleur moyen de protéger vos droits, d’éviter un litige inutile et de sécuriser la fin du bail.