
Depuis 2021, le nombre de conciergeries locatives et d’activités de “rental arbitrage” explose en France. Sous couvert de flexibilité, cette pratique attire les investisseurs immobiliers à court de capitaux mais bien renseignés. Pourtant, derrière les promesses de rentabilité, la sous-location professionnelle est une opération juridiquement encadrée, exposant à des risques considérables : résiliation du bail, restitution des bénéfices, voire amendes pouvant atteindre 50 000 €.
À l’heure où les collectivités durcissent leurs règles et où la jurisprudence évolue rapidement, cet article propose un tour d’horizon complet du cadre légal en 2025, des démarches à suivre pour rester dans les clous, des obligations fiscales et des bonnes pratiques pour sécuriser bailleur et locataire.
Sous-location professionnelle : de quoi parle-t-on exactement ?
Définition et périmètre
La sous-location professionnelle désigne le fait, pour un locataire, de sous-louer tout ou partie d’un bien immobilier dans un but lucratif, dans le cadre d’une activité déclarée (société ou micro-entreprise). Elle se distingue de la sous-location ponctuelle ou « familiale », sans but lucratif ou reposant sur le partage d’espace entre particuliers.
Il ne s’agit pas non plus d’un bail commercial classique, qui suppose une cession de bail, un pas-de-porte ou une négociation directe avec le propriétaire. Enfin, la sous-location ponctuelle d’un espace de coworking à la journée n’entre pas forcément dans cette catégorie, bien qu’elle puisse l’être si elle devient récurrente ou professionnelle.
Trois exemples typiques permettent d’illustrer cette pratique :
- Un locataire transforme son logement en hébergement de courte durée et le propose sur Airbnb via sa société de conciergerie.
- Une entreprise sous-loue à la journée des bureaux inutilisés dans ses locaux à des indépendants.
- Un commerçant loue un local dans une rue passante et le sous-loue à des boutiques éphémères via un contrat commercial.
Principales catégories de biens concernés
La sous-location professionnelle peut concerner différents types de biens, chacun soumis à un régime juridique spécifique :
- Les logements d’habitation, qu’ils soient nus ou meublés ;
- Les locaux commerciaux, soumis au Code du commerce ;
- Les baux professionnels, généralement à destination des professions libérales ;
- Les parties privatives d’un immeuble en copropriété, dès lors qu’elles accueillent une activité générant du public ou des revenus.
Chaque typologie implique des obligations particulières : autorisation du bailleur, respect du règlement de copropriété, conformité au droit de l’urbanisme, etc.
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Le cadre juridique applicable en 2025
Autorisation écrite du bailleur – article 8 de la loi du 6 juillet 1989
La règle de base est simple : la sous-location est interdite sans accord exprès et écrit du propriétaire. Cette obligation découle directement de l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989.
Pour être valide, cette autorisation doit remplir deux conditions :
- Le montant du loyer payé par le sous-locataire ne doit pas dépasser celui du locataire principal (au prorata des m²) ;
- Le sous-locataire doit recevoir une copie intégrale du bail ainsi que l’autorisation écrite du bailleur.
La jurisprudence est claire : dans un arrêt du 25 avril 2024 (Cass. civ. 3ᵉ), la Cour de cassation a confirmé la résiliation judiciaire d’un bail suite à une sous-location non autorisée sur Airbnb, avec obligation de restituer la totalité des gains réalisés.
Carte professionnelle et loi Hoguet
Lorsque la sous-location devient une activité habituelle et lucrative assimilable à une gestion immobilière, la carte professionnelle (carte T) devient obligatoire en vertu de la loi Hoguet n°70-9 du 2 janvier 1970.
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Des exceptions existent, notamment lorsqu’il s’agit d’un mandat unique ne concernant qu’un seul bien, mais elles sont étroitement encadrées.
À défaut de carte, le locataire professionnel s’expose à des sanctions pénales : 6 000 € d’amende pour une personne physique, jusqu’à 30 000 € pour une société.
Changement d’usage et autorisation d’urbanisme
Dans les communes de plus de 200 000 habitants et en zones tendues (Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux…), toute transformation d’un logement d’habitation en local professionnel (usage commercial ou para-hôtelier) nécessite un changement d’usage au titre de l’article L631-7 du Code de la construction et de l’habitation.
Cela suppose de déposer un dossier en mairie, obtenir une autorisation administrative (souvent conditionnée à une mesure de compensation) et respecter des délais de 2 à 4 mois. À Paris, la sanction pour défaut d’autorisation peut atteindre 50 000 € par logement.
Autres textes à maîtriser
La sous-location professionnelle croise plusieurs autres cadres juridiques :
- Le Code du commerce, notamment pour les baux commerciaux (articles L145-1 et suivants) ;
- La loi ELAN de 2018, qui impose l’enregistrement obligatoire des meublés de tourisme dans certaines villes ;
- Le règlement de copropriété, dont les clauses d’affectation peuvent interdire tout usage autre qu’habitation.
Étapes obligatoires pour mettre en place une sous-location professionnelle
Pour éviter toute mauvaise surprise, il est impératif de suivre une procédure rigoureuse.
- Analyser le bail principal : vérifier s’il contient une clause d’interdiction expresse de sous-location ou de modification d’usage. Examiner aussi la durée restante du bail et le type d’usage autorisé.
- Demander l’autorisation du bailleur par écrit : un courrier recommandé avec AR est recommandé. Il est raisonnable d’accorder un délai de 15 jours pour réponse.
- Rédiger un contrat de sous-location professionnel : ce contrat doit mentionner la durée (obligatoirement inférieure ou égale au bail principal), le loyer, les charges, et prévoir une clause de solidarité entre sous-locataire et locataire.
- Effectuer les démarches administratives :
- Déclarer l’activité en mairie si meublé de tourisme (Cerfa 14004*04) ;
- Immatriculer une structure (auto-entreprise, société) ;
- Souscrire à une assurance RC Pro et une multirisque adaptée.
- Informer la copropriété : notamment si le changement d’usage modifie les conditions d’occupation. Une demande d’inscription en AG peut être requise.
- Tenir une comptabilité séparée : factures, registre des séjours, livre des recettes sont exigés pour le régime micro-BIC ou réel.
Droits et obligations de chaque partie
Le locataire principal
Il reste pleinement responsable vis-à-vis du bailleur. Il doit garantir que l’usage du bien reste conforme à sa destination initiale. En cas de dégradation ou de trouble causé par le sous-locataire, il est responsable.
La jurisprudence de 2023 a confirmé que le locataire peut être condamné à rembourser l’ensemble des loyers perçus dans le cadre d’une sous-location irrégulière.
Le sous-locataire professionnel
Il n’a aucun lien juridique avec le bailleur. Il doit respecter les normes de sécurité applicables à son activité (ex : ERP si coworking), souscrire à une assurance adaptée, et s’acquitter de la taxe foncière des entreprises (CFE).
Il règle son loyer au locataire principal, pas au propriétaire.
Le bailleur
Il conserve un droit de regard sur l’usage du logement, et peut exiger des visites (avec préavis). Il peut faire valoir une clause résolutoire si les conditions de l’autorisation ne sont pas respectées.
Enfin, le bailleur reste responsable vis-à-vis de la copropriété en cas de trouble.
Fiscalité et charges sociales
Revenus du locataire principal
Les loyers issus de la sous-location professionnelle sont imposés dans la catégorie des Bénéfices industriels et commerciaux (BIC).
Deux régimes s’appliquent :
- Micro-BIC : seuil relevé à 77 700 € en 2025, abattement forfaitaire de 50 % ;
- Régime réel : déduction des charges, amortissements, frais de gestion.
Si l’activité propose plus de cinq services (ménage, linge, réception…), elle est considérée comme para-hôtelière. Au-delà de 91 900 €, le régime réel devient obligatoire avec TVA.
Taxes et contributions annexes
- CFE (Cotisation Foncière des Entreprises) : exigible dès l’année suivant la création. Une exonération est souvent accordée la première année.
- Taxe de séjour : collectée automatiquement par les plateformes dans 82 % des communes françaises.
Risques et sanctions en cas de sous-location professionnelle non autorisée
- Résiliation judiciaire du bail : à la demande du bailleur (article 8 loi 1989).
- Restitution des bénéfices perçus : y compris rétroactivement.
- Dommages et intérêts : en cas de préjudice causé à la copropriété ou au propriétaire.
- Amende administrative : jusqu’à 50 000 € dans les communes ayant adopté le régime L631-7 du CCH.
- Sanction pénale : en cas d’exercice illégal de la profession immobilière sans carte T.
Points d’attention en copropriété
- Usage d’habitation exclusif : souvent stipulé dans le règlement de copropriété. Tout changement d’usage nécessite un vote en AG, avec double majorité.
- Troubles du voisinage : forte rotation de locataires ou activité bruyante peut déclencher une action en responsabilité.
- Charges collectives : en cas d’usage intensif (eau, électricité, ascenseur), une refacturation au sous-locataire peut être prévue dans le contrat.
Modèles et outils pratiques
- Autorisation de sous-location : modèle de courrier à adresser au bailleur (PDF téléchargeable).
- Bail de sous-location professionnelle : incluant clause de solidarité, durée ≤ bail principal.
- Tableau fiscal : pour suivre recettes, charges et amortissements.
- Checklist : à remplir avant signature du contrat (état des lieux, assurances, urbanisme…).
FAQ
Le bailleur peut-il fixer un loyer plus élevé que celui du bail principal ?
Non, la loi impose un plafond : le loyer payé par le sous-locataire ne doit pas excéder le loyer principal au prorata.
La carte professionnelle est-elle obligatoire ?
Oui, sauf exception, toute activité de gestion ou de location d’un bien d’autrui impose la carte T (loi Hoguet).
Puis-je sous-louer un logement social ?
Non, la sous-location y est strictement interdite, même avec autorisation.
Quels types d’assurance sont requis ?
Une responsabilité civile professionnelle, et une multirisque couvrant les dommages aux biens sous-loués.
Comment résilier une sous-location professionnelle ?
Par lettre recommandée avec préavis, selon les termes du contrat de sous-location. En cas de faute, par voie judiciaire.
Sources
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Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 – Article 8 – Conditions de sous-location dans les logements d’habitation
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Loi Hoguet n°70-9 du 2 janvier 1970 – Règles relatives aux professions immobilières