En cas de désaccord avec leur bailleur, certains locataires choisissent d’arrêter le paiement du loyer. Ils estiment que cette tactique est un bon moyen de pression… A tort ! Le paiement du loyer est obligatoire dans tous les cas, sous peine de voir son bail résilié. Une jurisprudence vient de le rappeler !
Cette récente jurisprudence vous permettra, à vous bailleurs, de rappeler à vos locataires la loi… N’hésitez donc pas à la leur produire, le cas échéant.
Le paiement du loyer : devoir n°1 du locataire rappelé lors d’une récente affaire…
« C’est la Cour de Cassation (Cass civ. 3e, 5 oct. 2017, N° 16-19614) qui, dans une récente décision du 5 octobre dernier, est venue rappeler un principe fondamental selon lequel un locataire n’a pas le droit de suspendre le paiement du loyer, même si le logement subit des désordres, en l’absence d’une autorisation préalable du juge » note l’avocat parisien Maître Romain Rossi-Landi, spécialisé en droit immobilier.
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De fait, selon les tribunaux maintes fois saisis sur cette thématique, contester un niveau de loyer ou des conditions de location ne dispense en aucun cas le locataire de payer son loyer. S’il souhaite faire évoluer les choses, il doit en appeler à la justice.
« Dans cette affaire, raconte Maître Romain Rossi-Landi, le bailleur a donné à bail des locaux à usage d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989. Suite à des impayés de loyers, il a fait délivrer à ses locataires un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée dans le bail, auquel les locataires ont fait opposition en sollicitant la condamnation de la propriétaire à effectuer des travaux et l’autorisation de consigner les loyers en raison de désordres affectant le logement loué. »
Dans un premier temps, le tribunal puis la Cour d’Appel de Paris condamnent les locataires au paiement du loyer manquant assorti des intérêts de retard, considérant qu’ils n’avaient aucune raison valable pour avoir stoppé le paiement.
… même s’il a raison sur le fond de la contestation
Refusant cette décision, les locataires forment un pourvoi en Cassation arguant que les juges d’appel n’ont pas recherché s’ils pouvaient se prévaloir de l’exception d’inexécution pour s’opposer au paiement du loyer demandé par le bailleur. Ils entendent établir, par la production d’éléments, que le propriétaire a, dès le départ, mis à leur disposition un logement non décent, rapidement devenu inhabitable. De fait, ils produisent des constats d’huissier et un constat de l’inspecteur de salubrité des services techniques de l’habitat de la mairie de Paris.
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Mais la Cour de Cassation rejette le pourvoi et valide la position de la Cour d’Appel. Elle réprouve le fait que les locataires ont décidé de se faire justice, seuls, en suspendant le paiement du loyer, sans demander l’autorisation d’un juge. Ni le fait que les locataires avaient demandé à consigner les loyers, ni le fait que les griefs étaient justifiés (non décence du logement) n’ont été pris en compte par la Cour.
Celle-ci rappelle que le locataire a l’obligation de payer son loyer et ne peut en être déchargé que par autorisation judiciaire. Il encourt, à défaut de paiement du loyer, la résiliation de son bail et par conséquent son expulsion (nous avons traité le sujet de l’expulsion dans notre article d’avril dernier).
… Seule exception d’arrêt du paiement du loyer : l’arrêté préfectoral d’insalubrité
En réalité, comme le précise Maître Romain Rossi-Landi, il existe une exception à la règle : en l’absence de décision judiciaire, un arrêté d’insalubrité peut permettre à un locataire de suspendre le paiement du loyer. « Lorsqu’un logement fait l’objet d’un arrêté d’insalubrité, le loyer versé par les occupants cesse d’être dû à compter du 1er jour du mois qui suit l’envoi de la notification de l’arrêté ou de son affichage à la mairie. Le loyer sera de nouveau dû à partir du 1er jour du mois qui suit l’envoi de la notification ou l’affichage de l’arrêté mettant fin à l’interdiction d’habiter dans les lieux. »
Dans cette affaire, c’est indiscutable, les locataires se sont mis en tort. La solution aurait sans doute été une négociation en amont entre le bailleur et les locataires visant à la réalisation de travaux pour rendre le logement décent. Des aides financières publiques sont accordées aux bailleurs (par exemple l’éco-prêt dont nous vous parlions dans notre article de novembre dernier. Des aides financières existent aussi pour les locataires, nous vous en parlions dans un autre article d’avril dernier pour ce type de travaux. Et, comme évoqué dans de précédentes actualités, un accord gagnant/gagnant (le locataire est à l’origine des travaux afin de profiter des aides plus importantes qui lui sont accordées) peut être trouvé entre les deux parties.
Besoin d’éclaircissements ? Posez vos questions à Catherine de Gérerseul, elle se fera un plaisir d’y répondre.
Patrick Chappey – © 2017 Gererseul.com