
La fin d’un bail locatif ne se résume pas toujours à la signature de l’état des lieux et à la remise des clés. Dans certains cas, le locataire tarde à quitter les lieux, omet volontairement de restituer les clés ou se maintient dans le logement malgré un congé. Le bailleur se retrouve alors face à une situation d’occupation sans droit ni titre. Dans ce contexte, la loi prévoit le versement d’une indemnité d’occupation, somme qui vise à compenser la privation du logement.
Trop souvent, les occupants refusent de payer cette indemnité, estimant à tort qu’il s’agit d’un loyer supplémentaire ou d’une sanction abusive. Or, cette dette repose sur un fondement juridique clair et permet au propriétaire de préserver ses droits. Pour bien comprendre les enjeux, il faut analyser à quel moment l’indemnité est due, comment elle se calcule et surtout quelles démarches entreprendre pour la recouvrer.Quand l’indemnité d’occupation est-elle due ? Et quand s’arrête-t-elle ?
L’indemnité d’occupation devient exigible dès lors qu’une personne occupe un logement après la fin du bail. Cela peut concerner un ancien locataire qui reste dans les lieux malgré un congé donné ou un bail résilié. La situation est la même lorsque les clés ne sont pas rendues : juridiquement, tant qu’elles ne sont pas restituées, le logement est considéré comme occupé, même s’il est vide.
Il existe aussi des cas plus complexes, comme l’abandon présumé d’un logement. Tant que la procédure d’abandon n’est pas constatée par un commissaire de justice, le bailleur ne peut pas considérer la location comme libérée et l’indemnité continue de courir. Enfin, dans le cas d’un squatteur, l’indemnité découle d’une décision de justice prononçant l’expulsion, puis s’applique jusqu’à la restitution des lieux.
Le principe est simple : l’indemnité d’occupation s’arrête le jour où la libération effective est constatée, soit par la remise des clés avec un reçu, soit par un procès-verbal de commissaire de justice, soit encore par l’exécution d’une décision judiciaire. Contrairement à une idée largement répandue, il ne s’agit pas d’un surloyer punitif mais bien de la contrepartie d’une occupation injustifiée. Elle correspond à la valeur locative du logement, charges comprises.
Comment calculer l’indemnité d’occupation
Le calcul repose sur une base claire : le montant du dernier loyer payé augmenté des charges récupérables. C’est la méthode la plus simple et la plus admise par les tribunaux. Ainsi, pour un loyer de 780 euros et 70 euros de provisions pour charges, la base mensuelle retenue sera de 850 euros.
L’indemnité doit ensuite être calculée au prorata du nombre de jours de maintien dans les lieux, en tenant compte de la durée réelle de chaque mois. Si, par exemple, un locataire rend ses clés 47 jours après la fin du bail, le calcul sera le suivant : 850 divisé par 30, multiplié par 47, soit 1 331,67 euros.
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Dans certains cas, la valeur locative de marché peut être retenue, notamment si le loyer initial était manifestement inférieur aux prix pratiqués au moment du litige. Le bailleur devra alors prouver ce montant par des annonces comparables ou par un avis de valeur délivré par une agence immobilière.
Concernant les charges, seules celles récupérables sur le locataire peuvent être ajoutées, comme l’eau, le chauffage collectif ou l’entretien courant. Les frais de gestion ou certaines taxes non récupérables ne doivent pas être intégrés. Enfin, il convient de rappeler que l’indemnité d’occupation ne suit pas automatiquement l’indice de référence des loyers, sauf si une clause contractuelle le prévoit ou si le bailleur justifie d’une revalorisation par rapport au marché.
L’importance des preuves pour éviter ou contrer un refus
Un bailleur qui réclame une indemnité d’occupation doit impérativement constituer un dossier solide. Le bail et l’acte de congé sont des pièces incontournables, de même que l’état des lieux de sortie ou, à défaut, un constat d’huissier. Il est également essentiel de démontrer la non-restitution des clés, par exemple grâce à une convocation restée sans suite, à une mise en demeure adressée en recommandé ou encore à un procès-verbal de constat.
Les échanges écrits avec le locataire, qu’il s’agisse de courriels ou de SMS, peuvent aussi servir de preuve. Lorsque le montant demandé repose sur la valeur de marché, il est conseillé de réunir plusieurs annonces récentes ainsi qu’un avis écrit d’agent immobilier. Enfin, pour éviter toute contestation, le bailleur doit présenter un tableau détaillant le calcul, avec les dates précises et le montant des charges intégrées. Cette transparence désamorce bien souvent les contestations.
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Tenter d’abord un règlement amiable
Avant de se tourner vers les tribunaux, le bailleur a tout intérêt à privilégier une solution amiable. Un premier rappel, envoyé par message électronique ou par courrier simple, peut suffire à débloquer la situation. Il est conseillé de rappeler la date de fin de bail, le montant dû et d’y joindre un tableau explicatif.
Si le locataire ne réagit pas, l’étape suivante consiste à envoyer une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception. Ce courrier doit mentionner le montant de l’indemnité, le délai de règlement accordé, les coordonnées bancaires pour effectuer le virement, ainsi que les pièces justificatives. Il est recommandé d’y préciser qu’à défaut de paiement, une procédure judiciaire sera engagée, avec un risque de frais supplémentaires pour l’occupant.
Dans certains cas, un locataire de bonne foi peut rencontrer des difficultés financières. Le bailleur peut alors accepter un échéancier court, de deux ou trois mensualités, afin de récupérer rapidement ses fonds sans s’engager dans une procédure longue et coûteuse.
Les procédures en cas de refus persistant
Lorsque l’amiable échoue, plusieurs options s’offrent au bailleur. La plus simple est l’injonction de payer, adaptée aux dettes certaines et justifiées par des documents précis. La procédure est rapide et peu onéreuse, mais le locataire peut former opposition, ce qui entraîne alors une audience.
Une autre voie est le référé-provision, qui permet d’obtenir une décision rapide en cas de dette incontestable, par exemple lorsque les clés n’ont pas été rendues. Le juge peut ordonner le paiement immédiat d’une provision, assortie d’une astreinte tant que le logement n’est pas libéré.
Enfin, lorsque la situation est plus complexe, notamment en cas de contestation sur la date de fin d’occupation ou sur le montant réclamé, il faut saisir le tribunal au fond. Le juge fixe alors définitivement le montant dû et statue sur d’éventuels dommages complémentaires. Une fois le titre exécutoire obtenu, le bailleur peut engager des mesures de saisie par l’intermédiaire d’un commissaire de justice.
Dépôt de garantie, caution et assurances : des leviers à ne pas négliger
Le dépôt de garantie constitue une première source de compensation. Le bailleur peut l’imputer sur l’indemnité d’occupation, à condition de fournir un relevé détaillé et de restituer le solde éventuel.
La caution peut également être sollicitée, mais seulement si l’acte de cautionnement précise que l’engagement couvre les sommes dues jusqu’à la restitution des clés. Si le texte se limite à la durée du bail, l’indemnité n’entre pas dans le champ de la garantie.
Enfin, de nombreux contrats de garantie loyers impayés (GLI) prennent en charge l’indemnité d’occupation, à condition de respecter les délais de déclaration et de transmettre toutes les pièces justificatives. Ce point mérite d’être vérifié au moment de souscrire l’assurance.
Trois situations particulières : clés non rendues, abandon et squatteurs
La non-restitution des clés est sans doute le cas le plus fréquent. Tant que le trousseau n’a pas été remis, l’indemnité court. Il est conseillé d’adresser une mise en demeure rappelant le coût qui s’accumule jour après jour.
En cas d’abandon présumé, la prudence impose de recourir à un commissaire de justice. Ce dernier établit un procès-verbal constatant la vacance et fixant la date officielle de fin d’occupation.
Face à un squatteur, la situation est encore différente. L’indemnité d’occupation ne prend effet qu’après la décision de justice prononçant l’expulsion. Le bailleur ne doit en aucun cas agir seul, sous peine de se placer lui-même en infraction.
Les erreurs qui compromettent la demande
Beaucoup de bailleurs commettent des erreurs qui affaiblissent leur dossier. Réclamer une somme forfaitaire sans explication claire entraîne presque toujours un refus. Indexer l’indemnité comme un loyer sans justification contractuelle ou sans preuve de valeur locative n’est pas davantage recevable.
Oublier de démontrer la période exacte d’occupation est également rédhibitoire : sans reçu de clés ni constat, la demande risque d’être rejetée. Enfin, inclure des frais non récupérables ou lancer une procédure sans mise en demeure préalable fait perdre un temps précieux et nuit à la crédibilité du dossier.
FAQ
Puis-je facturer plus que le dernier loyer ?
Oui, si vous prouvez que la valeur locative de marché est supérieure. Sinon, restez sur la base loyer + charges.
Quand s’arrête l’indemnité ?
Le jour de la restitution effective des clés ou de la libération constatée par huissier.
Dois-je attendre le juge pour réclamer ?
Non. Vous pouvez envoyer une mise en demeure et réclamer l’indemnité immédiatement. La voie judiciaire n’intervient qu’en cas de refus persistant.
La caution doit-elle payer l’indemnité ?
Cela dépend de la rédaction de l’acte : “jusqu’à restitution des clés” = oui ; “jusqu’à la fin du bail” = non.
Puis-je compenser avec le dépôt de garantie ?
Oui, à condition de fournir un décompte précis et justifié.
L’indemnité d’occupation est un droit essentiel pour le bailleur, souvent mal compris et parfois contesté par les occupants. Elle n’a rien d’une sanction mais constitue la contrepartie financière d’une occupation injustifiée. Pour en obtenir le règlement, il faut agir méthodiquement : calculer la somme de façon transparente, réunir les preuves nécessaires, tenter un règlement amiable, puis saisir la justice en cas de blocage.
Les propriétaires ont intérêt à se doter d’outils pratiques, tels que des modèles de lettres ou des calculateurs automatisés, pour sécuriser leurs démarches. Sur Gererseul.com, ils peuvent accéder à ces ressources et bénéficier d’un accompagnement juridique en cas de litige. Face à un refus de paiement, la préparation et la rigueur demeurent les meilleures armes pour défendre ses droits.
Sources
- Service-public.fr – Fin de bail et restitution du logement
- Legifrance – Loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs
- Notaires de France – Conséquences d’une occupation sans titre