Longtemps utilisés dans les immeubles collectifs, les vide-ordures suscitent aujourd’hui de nombreuses critiques en raison des problèmes d’hygiène, de sécurité incendie ou de nuisibles qu’ils peuvent générer. Avec la Loi ELAN et la réforme de la copropriété, leur suppression est désormais facilitée lorsqu’un impératif d’hygiène est démontré. Ce changement modifie profondément la manière dont les assemblées générales doivent voter ce type de travaux, avec un passage possible à la majorité simple de l’article 24 au lieu de la majorité absolue de l’article 25.
Pour les syndics, les conseils syndicaux et les copropriétaires, comprendre les majorités, la procédure et les risques de contestation est essentiel pour sécuriser une décision qui peut impacter la gestion de l’immeuble. Cet article détaille les règles applicables en 2025, la marche à suivre en assemblée générale, la constitution d’un dossier probatoire solide et les bonnes pratiques pour éviter les contentieux.
Ce que change la Loi ELAN : un vote facilité en cas d’impératif d’hygiène
La loi ELAN et l’ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019 ont introduit une avancée majeure : la possibilité de voter la suppression des vide-ordures à la majorité simple de l’article 24 lorsqu’un impératif d’hygiène est démontré. L’article 24-II-e) de la loi du 10 juillet 1965 mentionne désormais explicitement la « suppression des vide-ordures pour des impératifs d’hygiène ». Cette évolution assouplit une décision autrefois plus difficile à obtenir, notamment dans les grands ensembles.
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Concrètement, si la colonne de vide-ordures provoque des nuisances, des odeurs persistantes, une prolifération de nuisibles ou un non-respect du règlement sanitaire départemental (RSD), la copropriété peut voter la suppression à la majorité des voix des copropriétaires présents, représentés ou votant par correspondance. À défaut de démonstration d’un impératif d’hygiène, la décision relève de la majorité absolue de l’article 25, avec possibilité d’utiliser la passerelle de l’article 25-1 si au moins un tiers des voix a été atteint.
Comprendre les majorités : article 24, article 25, article 26
La suppression d’un vide-ordures peut relever de trois régimes différents selon les circonstances. En cas d’impératif d’hygiène établi, la majorité de l’article 24 s’applique. Cette majorité simple correspond aux voix exprimées en assemblée par les copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance. C’est le régime le plus simple, et celui qui correspond le mieux à une situation d’urgence sanitaire.
Sans impératif d’hygiène, on bascule vers la majorité absolue de l’article 25, qui requiert la majorité de l’ensemble des copropriétaires, présents, représentés ou absents. Si le vote atteint au moins un tiers des voix, la résolution peut être représentée immédiatement au vote selon la majorité plus souple de l’article 24 grâce à la passerelle 25-1. Cette double-chance doit être anticipée dans l’ordre du jour et explicitée en assemblée générale.
Lorsque la suppression porte atteinte à la destination de l’immeuble ou s’accompagne de travaux lourds impliquant la structure ou les parties communes sensibles, la majorité de l’article 26 peut s’appliquer. Ce cas demeure rare mais doit être évalué avant de convoquer l’assemblée, notamment si le règlement de copropriété prévoit des usages spécifiques ou si des modifications importantes des circulations communes sont envisagées.
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Établir l’« impératif d’hygiène » : une étape clé pour sécuriser le vote
Pour bénéficier de la majorité de l’article 24, la copropriété doit constituer un faisceau de preuves démontrant la nécessité sanitaire de supprimer les vide-ordures. Ces éléments peuvent inclure des constats d’odeurs, des rapports de dératisation, des interventions des services d’hygiène, des photographies ou des relevés indiquant une non-conformité avec le RSD. Plus la documentation est complète, plus la décision sera difficilement contestable.
L’article 79 du RSD-type impose notamment la propreté permanente des dispositifs et le nettoyage régulier des conduits, au moins deux fois par an. Le non-respect récurrent de ces obligations peut constituer une preuve solide de l’impératif d’hygiène. Les copropriétés confrontées à des nuisibles ou à des obstructions répétées disposent généralement de justificatifs suffisants pour appuyer leur décision.
Il est recommandé de joindre toutes ces pièces à la convocation de l’assemblée générale afin que les copropriétaires puissent voter en connaissance de cause. Le syndic doit y inclure : constats, devis, rapports techniques, éventuelles mises en demeure, fotografie des trappes ou colonnes défectueuses. Cette transparence réduit le risque de contestation ultérieure.
Rédiger les résolutions de manière claire et sécurisée
La bonne rédaction des résolutions est indispensable pour éviter les nullités de vote. Il convient de préciser clairement la base juridique de chaque résolution : « Suppression des vide-ordures pour des impératifs d’hygiène (majorité article 24) » et, en parallèle, une résolution alternative « Suppression des vide-ordures hors impératifs d’hygiène (majorité article 25 avec passerelle article 25-1) ». Cette double rédaction permet à l’assemblée d’adapter la décision selon les preuves présentées lors de la séance.
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Lorsque la suppression implique une modification du règlement de copropriété, une résolution complémentaire relevant de l’article 24-II-f sera nécessaire. Le syndic doit également prévoir une résolution relative aux travaux eux-mêmes : condamnation des trappes, curage et désinfection des gaines, obturation coupe-feu, rebouchage et finitions des paliers. Ces éléments doivent être décrits précisément dans la notice d’information jointe à la convocation.
Le procès-verbal devra ensuite rappeler la majorité utilisée, les pièces présentées, les échanges éventuels et le décompte des voix. Cette précision protège la décision en cas de recours contentieux et facilite son exécution par le syndic ou par la maîtrise d’œuvre mandatée.
Déroulement de l’assemblée générale : étapes essentielles
Lors de l’assemblée générale, il est recommandé de commencer par caractériser l’impératif d’hygiène en lisant les documents fournis en convocation. Le conseil syndical ou le syndic peut exposer les constats, les risques, les interventions précédentes et les obligations non respectées. Ce cadrage permet ensuite de voter en toute cohérence la résolution prévue à l’article 24 ou, à défaut, celle prévue à l’article 25.
Si la majorité absolue n’est pas atteinte mais qu’au moins un tiers des voix a été obtenu, la passerelle 25-1 permet de revoter immédiatement à la majorité de l’article 24. Cette mécanique bien connue des praticiens en droit de la copropriété offre une chance supplémentaire de faire adopter les travaux sans avoir à reconvoquer une nouvelle assemblée. L’ordre du jour doit néanmoins mentionner cette possibilité afin de sécuriser juridiquement le vote.
À l’issue du vote, le procès-verbal doit être notifié par le syndic. Le délai de contestation est de deux mois. Durant cette période, il est déconseillé de lancer les travaux, sauf urgence avérée ou risque pour la sécurité des occupants. Une fois ce délai expiré, le syndic peut engager les diagnostics préalables et lancer les appels d’offres pour choisir l’entreprise.
Diagnostics, sécurité et exécution des travaux
Avant tout chantier, un repérage amiante avant travaux est obligatoire pour les immeubles construits avant 1997. Ce diagnostic est indispensable pour choisir une méthode d’intervention sécurisée pour les entreprises et les occupants. Le syndic doit également prévoir un plan de prévention incendie et poussières, notamment lors de l’obturation des conduits dans les parties communes.
Les travaux se déroulent généralement en plusieurs étapes : curage et désinfection de la gaine, dépose des trappes, obturation coupe-feu au niveau des planchers et cloisons, neutralisation de la colonne en tête et en pied, puis finitions sur les paliers. Le chantier doit être réalisé par une entreprise habituée à intervenir en copropriété et maîtrisant les contraintes des immeubles habités.
Une fois la colonne condamnée, le règlement de copropriété et le carnet d’entretien doivent être mis à jour. Cette mise à jour garantit la conformité de l’immeuble aux nouvelles règles et évite des contradictions entre les documents de référence et l’usage réel des parties communes.
Budget, charges et répartition des coûts
La suppression des vide-ordures constitue des travaux sur parties communes et n’est pas une charge récupérable auprès des locataires. Le coût est réparti entre copropriétaires selon la clé prévue par le règlement de copropriété. Lorsque seule une cage est concernée, une clé spéciale peut être votée pour éviter d’imputer à tous des travaux ne bénéficiant qu’à une partie des lots.
Le budget doit inclure plusieurs postes : études préalables, diagnostics amiante, désinfection, obturation coupe-feu, finitions des paliers, gestion des déchets, honoraires du syndic et, le cas échéant, maîtrise d’œuvre. Comparer plusieurs devis permet de sécuriser le coût global et d’éviter les surévaluations. La notice d’information annexée à la convocation doit détailler le financement et le phasage des appels de fonds.
Le calendrier type inclut : vote en AG, délai de contestation de deux mois, diagnostics, consultations d’entreprises, travaux par cage et réception. Une communication claire auprès des résidents garantit la bonne compréhension des travaux et des modalités d’accès aux logements.
Après suppression : gestion des déchets et alternatives pratiques
La suppression des vide-ordures implique de repenser la gestion des déchets dans l’immeuble. Un local poubelles conforme doit être disponible ou créé. Il doit être ventilé, lessivable, équipé d’un point d’eau et d’un éclairage suffisant. La configuration dépend de la taille de l’immeuble et du nombre de bacs nécessaires pour le tri sélectif. L’objectif est de garantir un fonctionnement sain et conforme au règlement sanitaire.
Une attention particulière doit être portée à la prévention des nuisibles, au nettoyage régulier et à la signalisation des consignes de tri. Les résidents doivent être informés des nouvelles modalités de dépôt des déchets afin d’éviter les dépôts sauvages près des anciennes trappes, souvent sujets à dérives les premiers mois.
Enfin, le syndic doit prévoir un suivi des entreprises intervenues, une traçabilité des déchets et la mise à jour de la fiche synthétique de l’immeuble. Ces bonnes pratiques garantissent la conformité et la pérennité de la suppression des vide-ordures.
Risques de non-conformité et contentieux : comment les éviter
Le premier risque est l’utilisation de la mauvaise majorité. Une décision adoptée à l’article 24 alors que l’impératif d’hygiène n’a pas été clairement démontré peut être annulée par le juge. À l’inverse, utiliser l’article 25 alors que des preuves d’impératif existent rend la procédure inutilement complexe et fragilise le vote.
Le deuxième risque concerne l’insuffisance de pièces jointes à la convocation. Si les copropriétaires n’ont pas été correctement informés, la résolution peut être annulée. C’est pourquoi le dossier probatoire doit être complet et annexé à la convocation.
Le troisième risque tient à l’exécution anticipée des travaux ou à des travaux excédant ce qui a été voté. Les copropriétés doivent respecter strictement le cadre fixé en assemblée pour éviter tout recours. Un suivi rigoureux, une coordination professionnelle et une communication claire avec les occupants limitent les litiges.
FAQ sur la suppression des vide-ordures
Les vide-ordures sont-ils interdits ? Non, mais très encadrés. Beaucoup de copropriétés choisissent la suppression pour des raisons d’hygiène ou de sécurité.
Quelle majorité s’applique ? Article 24 si un impératif d’hygiène est démontré, article 25 sinon, avec passerelle possible.
Faut-il un diagnostic amiante ? Oui pour les immeubles antérieurs à 1997, avant tout travaux.
Les coûts sont-ils récupérables auprès des locataires ? Non, il s’agit de travaux sur parties communes.
Peut-on contester la résolution ? Oui, dans les deux mois suivant la notification du procès-verbal.
