
Face à l’explosion des prix de l’électricité et du gaz, de nombreux Français sont tentés par un chauffage d’appoint bon marché. Le poêle à pétrole, facile à utiliser et accessible en grande surface, semble à première vue une solution idéale pour traverser l’hiver sans grever son budget. Pourtant, cet appareil est aujourd’hui formellement interdit dans les immeubles collectifs, et pour de bonnes raisons.
Cet article fait le point complet sur l’interdiction légale en vigueur en 2025, les dangers sanitaires et juridiques liés à l’usage du poêle à pétrole en appartement, les responsabilités encourues pour les locataires et bailleurs, ainsi que les solutions de chauffage d’appoint autorisées, performantes et plus sûres.
Comment fonctionne un poêle à pétrole ?
Définition & principe de combustion
Un poêle à pétrole est un appareil de chauffage d’appoint qui fonctionne au pétrole lampant, un hydrocarbure dérivé du kérosène (CₙH₂ₙ₊₂). Il produit de la chaleur par combustion incomplète, sans évacuation fixe des fumées. Cette combustion libère du dioxyde de carbone (CO₂), de la vapeur d’eau (H₂O), mais aussi du monoxyde de carbone (CO), des oxydes d’azote (NOₓ) et des composés organiques volatils (COV), notamment des hydrocarbures aromatiques comme le benzène.
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Le point critique de ces poêles : ils utilisent l’air ambiant comme source d’oxygène pour la combustion, tout en rejetant leurs résidus dans cette même pièce. Sans aération continue et efficace, cela entraîne une pollution intérieure rapide et dangereuse.
Pourquoi cet appareil a longtemps séduit les locataires ?
Malgré leurs défauts connus, les poêles à pétrole ont longtemps été populaires chez les locataires et occupants précaires, pour plusieurs raisons. Leur prix d’achat est souvent inférieur à 200 €, bien en dessous des poêles à granulés ou radiateurs à inertie performants. Leur mobilité est un atout majeur : pas besoin de conduit, ni de travaux, ni d’installation spécifique. Il suffit d’un bidon de 20 litres de combustible (environ 40 €) et d’une prise pour l’allumage.
Leur efficacité immédiate est également attractive : quelques minutes suffisent pour ressentir une chaleur intense. Autre argument : le combustible se trouve facilement en grande surface. Mais ces avantages apparents ne compensent plus les dangers qu’ils représentent en logement collectif.
Cadre légal – Pourquoi l’usage est-il prohibé en immeuble collectif ?
Le socle réglementaire
L’interdiction d’utiliser un poêle à pétrole en appartement s’appuie sur un ensemble de textes juridiques.
Le décret n° 92-1280 du 10 décembre 1992 encadre la sécurité des appareils mobiles utilisant un combustible liquide. Il impose des normes strictes de sécurité, mais ne suffit pas à garantir l’usage sécurisé en espace clos.
Plus décisif, l’arrêté du 23 février 2018 interdit explicitement les appareils à circuit non étanche (dont les poêles à pétrole simples) dans les établissements recevant du public (ERP) et dans les bâtiments d’habitation collectifs. Ce point est souvent ignoré du grand public : il ne s’agit pas seulement d’une restriction d’installation, mais bien d’une interdiction d’usage.
Le Code de la construction et de l’habitation, dans son article R.111-9, impose une obligation générale d’évacuation des produits de combustion. En l’absence de conduit dédié, le poêle à pétrole contrevient directement à cette disposition.
Enfin, la loi Climat & Résilience de 2021 et son décret d’application dit « décret tertiaire » (juillet 2022) renforcent les exigences en matière de performance énergétique et d’empreinte carbone. L’usage d’un appareil aussi peu efficient énergétiquement, polluant et dangereux ne cadre plus avec ces exigences.
Règlement de copropriété & clause du bail
Les règlements de copropriété interdisent fréquemment « tout appareil de chauffage à combustible liquide non raccordé à une évacuation ». Ces clauses doivent être respectées par tous les occupants, qu’ils soient propriétaires ou locataires.
Dans le cadre d’un bail, il appartient au propriétaire bailleur d’interdire formellement ce type d’appareil dans le contrat de location. L’état des lieux permet de constater la présence éventuelle d’un poêle à pétrole dès l’entrée. À défaut, un syndic peut exiger le retrait immédiat via le règlement intérieur, souvent confirmé par procès-verbal d’assemblée générale.
Responsabilités bailleur vs locataire
Le locataire est juridiquement responsable de l’usage conforme du logement. L’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 lui impose de « jouir paisiblement du bien » et de respecter les normes de sécurité en vigueur.
De son côté, l’article 1728 du Code civil rappelle l’obligation d’user du logement conformément à sa destination. Dans le cas d’un poêle à pétrole, l’introduction d’un risque incendie ou sanitaire constitue une rupture de cette obligation.
Enfin, selon le principe général de responsabilité délictuelle, « celui qui crée un risque répond du dommage ». Si un sinistre survient à cause d’un chauffage interdit, le locataire peut être tenu personnellement responsable, civilement voire pénalement.
Les dangers concrets d’un poêle à pétrole en appartement
Intoxication au monoxyde de carbone
Le principal risque sanitaire réside dans l’émission de monoxyde de carbone (CO), un gaz incolore et inodore mais hautement toxique. Il se fixe 200 fois plus vite que l’oxygène sur l’hémoglobine, réduisant ainsi la capacité de transport de l’oxygène dans le sang.
Selon Santé publique France, l’hiver 2023-2024 a recensé plus de 1 500 cas d’intoxications domestiques au CO, dont une part significative liée aux chauffages d’appoint mal ventilés. Les symptômes initiaux sont sournois : maux de tête, vertiges, nausées. À forte concentration, le CO peut entraîner la perte de connaissance, voire le décès.
Risque d’incendie & de brûlure
La température de paroi d’un poêle à pétrole dépasse 400 °C. Proche d’un canapé, rideau ou meuble inflammable, il constitue une menace directe. Le SDIS (Service départemental d’incendie et de secours) alerte régulièrement sur des incendies déclenchés par le renversement du réservoir ou l’enflamment de textiles à proximité.
Selon l’Observatoire national de la sécurité domestique, les combustibles liquides sont à l’origine de 12 % des feux d’habitation, principalement en période hivernale.
Pollution intérieure (particules & COV)
Le poêle à pétrole émet des particules fines (PM₂․₅) en quantité bien supérieure aux seuils recommandés. Des mesures réalisées par l’Anses indiquent des concentrations dépassant régulièrement 15 µg/m³, là où l’OMS recommande de ne pas dépasser 5 µg/m³ en moyenne annuelle.
Les composés organiques volatils comme le benzène ou le toluène, classés cancérogènes possibles, sont également présents. Leur présence constitue une menace pour les personnes vulnérables : enfants, asthmatiques, femmes enceintes.
Dégradation du logement
Outre la santé, le poêle à pétrole nuit à l’état du logement. La vapeur d’eau dégagée lors de la combustion augmente l’humidité ambiante, favorisant la condensation et la formation de moisissures. Les murs peuvent jaunir, les plafonds se détériorer. Ces dégradations sont systématiquement retenues lors de l’état des lieux de sortie, entraînant des retenues sur le dépôt de garantie.
Conséquences juridiques & assurantielles en cas de non-respect
Mises en demeure et procédure d’expulsion
En cas de non-respect des clauses du bail ou du règlement de copropriété, le bailleur peut engager une procédure. Cela commence par un rappel verbal, puis un courrier simple, et enfin une lettre recommandée avec délai de retrait (généralement 8 jours).
Si le locataire persiste, un huissier peut constater l’infraction. La jurisprudence récente (Cass. civ. 3e, 16 novembre 2023) a confirmé que le maintien d’un poêle à pétrole en immeuble collectif constitue une faute grave justifiant la résiliation judiciaire du bail.
Refus d’indemnisation de l’assureur
Les contrats multirisques habitation comportent souvent des clauses d’exclusion en cas de non-respect des normes de sécurité. Un sinistre causé par un poêle à pétrole interdit peut entraîner un refus d’indemnisation, y compris pour les biens mobiliers détruits. Un exemple récent en Alsace montre qu’un sinistre de 30 000 € n’a donné lieu à aucun remboursement, l’usage de l’appareil étant expressément proscrit.
Responsabilité pénale (mise en danger d’autrui)
L’article 223-1 du Code pénal sanctionne la mise en danger délibérée d’autrui par un comportement manifestement dangereux. La peine peut aller jusqu’à 15 000 € d’amende et un an de prison.
Un cas jugé à Bordeaux en 2022 a condamné un locataire pour avoir provoqué une intoxication collective dans son immeuble, après usage prolongé d’un poêle à pétrole non conforme.
Quelles solutions de chauffage d’appoint autorisées ?
Radiateur bain d’huile & rayonnant
Ces appareils à inertie emmagasinent la chaleur et la diffusent sans flamme, sans émission de gaz, et avec un excellent niveau de sécurité. Leurs puissances varient de 1000 à 2500 W, idéales pour un usage ponctuel.
Chauffage électrique céramique ou soufflant
Compacts, ils montent rapidement en température. À réserver aux petites pièces (< 15 m²) et pour des durées courtes, en raison de leur consommation énergétique élevée.
Chauffage catalyse gaz (avec détecteur CO)
Utilisant le butane, ces chauffages sans flamme visible doivent impérativement s’utiliser dans un espace bien ventilé. Leur usage est interdit dans les chambres. Certains modèles sont équipés de détecteurs de CO intégrés pour plus de sécurité.
Poêle à granulés étanche (raccordé)
Ces poêles ont un rendement supérieur à 85 % et nécessitent une installation avec conduit concentrique. Ils fonctionnent à l’électricité (vis sans fin) et sont éligibles à l’aide MaPrimeRénov’ 2025, jusqu’à 1 500 € pour les ménages modestes.
Bonnes pratiques pour se chauffer sans risque
Ventilation naturelle & VMC
L’aération quotidienne est indispensable : 10 minutes matin et soir. La VMC collective doit être entretenue annuellement dans les parties communes, selon le décret du 3 mai 2007.
Installer un détecteur de CO
Recommandé dans tous les logements anciens, ce dispositif est obligatoire depuis 2016 dans les logements neufs. Il doit respecter la norme EN 50291 et être positionné à 1,5 m du sol.
Écogestes pour réduire la facture
Calfeutrer les joints, installer des doubles rideaux, maintenir une température de 19 °C, comme le recommande l’ADEME. Un programmateur permet de réduire la facture jusqu’à 15 %.
Que faire si un locataire a déjà un poêle à pétrole ?
Étapes pour le bailleur
Informer verbalement, puis par écrit. En cas de refus, envoyer une lettre recommandée. Après 8 jours, faire constater la situation par un huissier.
Proposer des alternatives & aides
Mettre à disposition un chauffage électrique conforme. Suggérer un détecteur de CO avec participation financière. Certaines régions proposent des aides pour l’équipement de petits chauffages économes.
Voie judiciaire en dernier recours
En cas de refus persistant, le bailleur peut saisir le juge en référé pour faire cesser un « trouble manifestement illicite ». Une astreinte journalière peut être décidée jusqu’au retrait de l’appareil.
FAQ
Le poêle à pétrole est-il interdit dans tous les cas ?
Oui, dans les immeubles collectifs, même utilisé ponctuellement.
Puis-je l’utiliser en cas de panne ?
Non, cela reste interdit, même temporairement.
Existe-t-il des modèles « à double combustion » autorisés ?
Non, tous les appareils non raccordés sont concernés.
Puis-je stocker du pétrole dans ma cave ?
Non, cela constitue un risque majeur d’incendie, interdit par les règlements de copropriété et le Code de la construction.
Sources
- Légifrance, Décret n°92-1280 du 10 décembre 1992
- ANSES, étude exposition PM2.5 chauffage d’appoint, 2023
- ADEME, Guide éco-chauffage 2024