
La fin d’un bail est toujours marquée par un geste simple mais décisif : la remise des clés. Ce moment symbolise la libération du logement et met un terme aux obligations locatives. Tant que les clés ne sont pas rendues, le locataire est juridiquement considéré comme occupant, même si le logement est vide. Ce détail a des conséquences lourdes : loyer ou indemnité d’occupation continuent de courir, le dépôt de garantie ne peut être restitué intégralement et le bailleur reste responsable vis-à-vis de l’assurance.
Mais que faire lorsque le locataire tarde à rendre ses clés, disparaît sans prévenir ou refuse ouvertement de les restituer ? Peut-on déposer plainte immédiatement ? Faut-il changer les serrures sans attendre ? Ce guide propose un parcours clair, de l’amiable au judiciaire, pour agir efficacement et sans faux pas.
Quand parle-t-on réellement de non restitution ?
La notion de non restitution ne se limite pas au refus explicite de rendre les clés. Elle recouvre plusieurs situations. Le cas le plus courant est l’absence de remise à la date convenue, souvent à l’issue de l’état des lieux de sortie. Mais elle peut aussi concerner un trousseau incomplet, avec des clés ou badges manquants. D’autres fois, le locataire dépose les clés de manière informelle, par exemple dans une boîte aux lettres, sans preuve de remise. Dans tous ces cas, le bailleur ne dispose pas de garantie juridique et le logement reste considéré comme occupé.
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Seules certaines modalités sont reconnues comme valables : la remise en main propre contre récépissé, le dépôt chez le gestionnaire ou concierge avec accusé, ou encore la remise à un commissaire de justice. Cette dernière option, sous forme de procès-verbal, est la plus sécurisée en cas de litige. En revanche, un envoi postal non sécurisé ou un dépôt sauvage dans une boîte aux lettres pose problème, car il n’existe aucune preuve de restitution.
Les conséquences pour le bailleur
Tant que les clés ne sont pas rendues, la date de fin d’occupation n’est pas actée. Le locataire reste considéré comme occupant sans droit ni titre et doit donc une indemnité d’occupation. Celle-ci est calculée au prorata, à partir du lendemain de la date de fin du bail prévue jusqu’au jour où la restitution effective est constatée.
Le bailleur peut aussi retenir certaines sommes sur le dépôt de garantie, notamment les frais liés au changement de serrure, aux déplacements nécessaires ou aux constats établis par un huissier. La restitution du solde du dépôt dépendra de la régularisation des charges et de l’état des lieux, si celui-ci a pu être réalisé.
Il faut également rappeler que le bailleur reste exposé aux risques tant que le logement n’est pas juridiquement libéré. Si une fuite d’eau survient ou si un accident se produit dans le logement, sa responsabilité peut être engagée tant que l’accès n’est pas sécurisé.
La voie amiable : toujours à privilégier en premier
Avant d’envisager des mesures plus contraignantes, il est recommandé d’agir à l’amiable. Un dernier rappel, envoyé par SMS, WhatsApp ou courriel, peut suffire à régler le problème. Ce message doit rester factuel : rappeler la date de fin du bail, proposer plusieurs créneaux pour la restitution et offrir la possibilité de passer par un commissaire de justice, les frais étant partagés. Il est important de préciser qu’à défaut de restitution sous un certain délai, une mise en demeure sera envoyée et des frais supplémentaires engagés.
La courtoisie et la clarté sont essentielles à ce stade. En revanche, il ne faut jamais menacer le locataire d’une “amende privée” ou entrer soi-même dans le logement sans autorisation. Ces comportements exposent le bailleur à des risques juridiques, notamment en matière d’atteinte au domicile.
La mise en demeure de restituer les clés
Si la voie amiable échoue, l’étape suivante est la mise en demeure. Cette lettre recommandée avec accusé de réception doit mentionner les références du bail, la date de fin prévue, l’état des lieux de sortie s’il a été réalisé, ainsi que l’inventaire des clés attendues. Elle doit rappeler l’obligation légale de restitution et préciser que l’indemnité d’occupation est due à compter du lendemain de la date prévue.
Un délai ferme doit être accordé, généralement de huit à quinze jours, pour restituer les clés par l’un des canaux acceptés. La mise en demeure doit aussi annoncer les suites envisagées : constat, changement de serrure, refacturation et saisine du juge. Joindre les preuves (copie du congé, échanges, convocations à l’état des lieux) renforce la solidité du dossier.
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Sécuriser les lieux : constat et changement de serrure
En l’absence de restitution, le bailleur peut faire constater la situation par un commissaire de justice. Celui-ci vérifie si le logement est réellement inoccupé, examine les compteurs, les boîtes aux lettres et constate l’absence d’effets personnels. Ce procès-verbal établit une preuve irréfutable de la non restitution.
Après ce constat, le changement de serrure devient légitime. Le bailleur doit conserver la facture détaillée, incluant le matériel, la main-d’œuvre et les frais de déplacement, afin de pouvoir imputer ces frais au locataire fautif. Il est déconseillé de remettre un nouveau jeu de clés au locataire tant que les sommes dues n’ont pas été régularisées, sauf décision de justice.
Le recours à la justice civile
Si le litige persiste, plusieurs voies judiciaires sont possibles. L’injonction de payer convient lorsque la dette est claire et peu contestable. Elle permet d’obtenir rapidement un titre exécutoire. Le référé est utile en cas d’urgence, notamment pour sécuriser le logement ou obtenir une provision immédiate. Enfin, l’assignation au fond est nécessaire lorsque des contestations subsistent, par exemple sur la date réelle de fin d’occupation ou sur les frais engagés.
Dans tous les cas, le bailleur doit préparer un dossier complet comprenant le bail, les avenants, le congé, l’état des lieux, les échanges écrits, la mise en demeure, les procès-verbaux d’huissier et les factures. La transparence et la rigueur du dossier facilitent grandement la décision en faveur du bailleur.
Plainte pénale ou main courante : une option limitée
Beaucoup de bailleurs pensent qu’ils peuvent déposer plainte immédiatement pour non restitution des clés. En réalité, il s’agit avant tout d’un litige civil. La plainte pénale n’est recevable que si des éléments constituent une infraction, comme un abus de confiance (les clés ont été retenues volontairement pour nuire), des menaces, des violences ou des dégradations.
La main courante est toutefois utile pour dater les faits et montrer la diligence du bailleur. Elle ne déclenche pas de poursuites, mais peut être produite comme preuve en cas de contentieux. Si une plainte est déposée, elle doit être accompagnée de toutes les preuves disponibles : mises en demeure, échanges, témoignages.
Le cas miroir : quand le bailleur retient les clés
Il arrive aussi que la situation s’inverse. Un bailleur peut retarder la remise des clés au locataire entrant, ou garder un double de manière abusive. Ces pratiques sont interdites. Si le bailleur ne délivre pas les clés à la date prévue, le locataire peut envoyer une mise en demeure, demander une réduction de loyer, voire solliciter la résolution du bail pour inexécution.
Pendant le bail, changer la serrure sans accord du locataire ou conserver un double constitue une atteinte au domicile. Dans ce cas, le locataire peut déposer plainte et engager une action civile. Cette symétrie rappelle que la remise des clés est un acte fondamental qui protège les deux parties.
Les erreurs fréquentes à éviter
Certaines erreurs ruinent la crédibilité du bailleur. Changer la serrure sans mise en demeure ou sans constat préalable expose à une contestation, voire à des poursuites. Retenir l’intégralité du dépôt de garantie sans justificatifs est également illégal. Oublier de chiffrer précisément l’indemnité d’occupation ou de conserver des preuves écrites fragilise toute demande.
À l’inverse, de bonnes pratiques simples renforcent la position du bailleur : proposer systématiquement la remise à un commissaire de justice comme solution neutre, valider par écrit le lieu et la date de restitution, archiver toutes les communications et faire établir des factures nominatives par les prestataires.
FAQ
La restitution par boîte aux lettres est-elle valable ?
Non, sauf accord écrit préalable et preuve incontestable (photo, témoin). La remise contre reçu ou par huissier reste la solution la plus sûre.
Puis-je changer les serrures dès le lendemain ?
Seulement après mise en demeure restée sans effet ou après constat d’abandon. Sinon, cela peut être considéré comme une atteinte au domicile.
Quels frais puis-je retenir sur le dépôt de garantie ?
Les frais de serrurier, les constats d’huissier et les déplacements justifiés, à condition de fournir les factures.
Dois-je porter plainte ?
La plainte n’est utile que si des éléments pénaux existent. Sinon, il faut privilégier la voie civile pour récupérer les sommes.
Comment prouver l’indemnité d’occupation ?
En calculant le montant au jour, entre la date de fin prévue et la remise effective, et en joignant toutes les preuves : bail, congé, mise en demeure, procès-verbal et factures.
La non restitution des clés n’est pas une simple négligence : elle prolonge la durée du bail, empêche la relocation et peut coûter cher au propriétaire. Pour agir efficacement, il faut suivre une méthode progressive : rappel amiable, mise en demeure, constat, sécurisation des lieux, puis recours civil si nécessaire. La plainte pénale reste une option rare, réservée aux cas où une infraction est caractérisée.
Les bailleurs ont tout intérêt à formaliser chaque étape et à s’appuyer sur des preuves solides. Les outils disponibles sur Gererseul.com – modèles de mise en demeure, simulateurs d’indemnité, assistance juridique – permettent de gagner du temps et de sécuriser la procédure. Face à un locataire récalcitrant, rigueur et méthode sont les meilleures garanties de succès.
Sources
- Service-public.fr – Fin de bail et remise des clés
- Legifrance – Loi du 6 juillet 1989, rapports locatifs
- Notaires de France – Obligations en fin de bail