Nu-propriétaire logé gratuitement : ce qui est possible (et ce qui ne l’est pas) en 2025

En cas de démembrement de propriété, il n’est pas rare qu’un membre de la famille souhaite habiter gratuitement dans le logement. Mais le droit distingue clairement les pouvoirs du nu-propriétaire (propriétaire des murs) et de l’usufruitier (titulaire du droit d’usage et de percevoir les loyers).
Leur rôle diffère, et selon la situation, l’occupation gratuite du bien peut être parfaitement légale… ou totalement interdite sans accord écrit.

Voyons les trois cas de figure les plus fréquents : le nu-propriétaire qui veut s’installer lui-même, l’usufruitier qui loge un proche gratuitement, et enfin le propriétaire unique qui héberge sans loyer.

Scénario A : le nu-propriétaire veut habiter le bien

Le principe de droit à connaître

Le nu-propriétaire ne peut pas occuper le logement tant qu’un usufruit existe. En effet, seul l’usufruitier dispose du droit d’usage du bien, c’est-à-dire la faculté d’y habiter ou d’en tirer un revenu locatif.
Autrement dit, même si le nu-propriétaire “possède les murs”, il ne peut pas y vivre sans l’accord formel de l’usufruitier.

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En revanche, lorsque l’usufruit s’éteint (par décès ou par arrivée du terme prévu dans l’acte de donation ou de succession), le nu-propriétaire retrouve la pleine propriété du logement et peut naturellement y résider sans loyer ni autorisation.

Comment faire si l’usufruitier est encore en vie

Si le nu-propriétaire souhaite s’installer, il doit obtenir un accord écrit de l’usufruitier.
Cet accord peut prendre la forme :

  • d’une autorisation d’occupation à titre gratuit simple, signée des deux parties ;
  • ou d’une convention tripartite (nu-propriétaire, usufruitier, occupant) qui fixe la durée, les conditions d’entretien et les obligations de chacun.

Agir sans autorisation serait risqué : l’usufruitier pourrait demander l’expulsion de l’occupant ou réclamer une indemnité pour “occupation sans droit ni titre”.

Qui paie quoi ?

Dans ce cas de démembrement, la règle du Code civil est simple :

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  • l’usufruitier paie les charges courantes (eau, électricité, entretien, taxe foncière, TEOM) ;
  • le nu-propriétaire prend en charge les grosses réparations (gros œuvre, toiture, murs porteurs, ravalement).
    Cette distinction correspond aux articles 605 et 606 du Code civil.
    Si le nu-propriétaire habite le logement avec l’accord de l’usufruitier, il devient occupant et doit souscrire une assurance habitation, tandis que le nu-propriétaire reste bien titulaire des gros travaux.

Scénario B : l’usufruitier habite ou loge gratuitement un proche

Ce que peut décider l’usufruitier

L’usufruitier a un droit total de jouissance du bien. Il peut donc :

  • y vivre lui-même sans verser de loyer ;
  • ou héberger gratuitement un proche (enfant, ami, parent), tant que la destination du bien est respectée.

Il n’a pas besoin de l’accord du nu-propriétaire pour ce type d’occupation gratuite, sauf si l’acte notarié de démembrement prévoit une restriction particulière.
L’usufruitier peut aussi louer le logement en son nom (sauf baux de plus de neuf ans, qui nécessitent l’accord du nu-propriétaire).

Formaliser l’occupation gratuite d’un proche

Pour éviter toute ambiguïté, l’usufruitier doit rédiger une convention d’occupation à titre gratuit, aussi appelée prêt à usage ou commodat.
Ce document précise :

  • la gratuité de l’hébergement (aucun loyer, ni dépôt de garantie) ;
  • la durée (déterminée ou indéterminée) ;
  • les obligations d’entretien du logement ;
  • l’assurance habitation de l’occupant ;
  • la possibilité de résiliation si l’usufruitier reprend le bien pour lui-même.

Un état des lieux à l’entrée et à la sortie est fortement conseillé, même pour un hébergement familial, afin de prévenir tout différend sur la remise en état.

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Répartition des charges

L’usufruitier reste redevable des charges et impôts locaux (taxe foncière, taxe d’enlèvement des ordures ménagères).
L’occupant gratuit paie ses dépenses de consommation (eau, gaz, électricité) mais ne peut en aucun cas être assimilé à un locataire.
Le nu-propriétaire, lui, conserve à sa charge les travaux structurels, comme une réfection de toiture ou un ravalement de façade.

Scénario C : héberger gratuitement quelqu’un dans un bien en pleine propriété

Le bon cadre juridique : le commodat

Si le bien n’est pas démembré, un propriétaire peut tout à fait héberger gratuitement un proche, un ami ou un parent. Il s’agit alors d’un prêt à usage (article 1875 du Code civil).
Cette formule, gratuite par définition, ne crée aucun rapport locatif. Mais pour se protéger, il est préférable de formaliser l’accord par écrit.

La convention doit indiquer :

  • les coordonnées des parties, la désignation précise du bien et des annexes ;
  • la durée de l’occupation et les conditions de résiliation ;
  • la répartition des charges (consommations, TEOM éventuelle) ;
  • l’obligation pour l’occupant de souscrire une assurance multirisque habitation.

Aucune somme ne doit être versée, sous peine de requalification en bail par un juge.

Conséquences fiscales

Héberger gratuitement un proche n’engendre aucun revenu foncier à déclarer.
L’occupant n’est pas éligible à l’APL (aide au logement) puisque l’hébergement est gratuit.
Concernant l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), le propriétaire continue à déclarer la valeur du bien dans son patrimoine, sans réduction liée à l’occupation gratuite.

Depuis 2023, les propriétaires doivent aussi remplir la déclaration d’occupation des logements sur impots.gouv.fr : il faut y cocher la case “occupation à titre gratuit” et préciser l’identité de l’occupant.

Charges, impôts, travaux : qui paie quoi selon les droits de chacun

En cas de démembrement, les règles sont strictes.
L’usufruitier profite de la jouissance du bien : il paie donc les charges, l’entretien courant et les impôts locaux.
Le nu-propriétaire, propriétaire des murs, assume les grosses réparations structurelles (articles 605 et 606 du Code civil).
En copropriété, cela se traduit ainsi :
les charges de fonctionnement (nettoyage, entretien, petites réparations) sont dues par l’usufruitier, tandis que les gros travaux votés en assemblée relèvent du nu-propriétaire.

Sauf clause contraire prévue dans l’acte de démembrement, cette répartition s’applique automatiquement.

Bon à savoir : le nu-propriétaire n’est pas redevable de la taxe foncière, sauf si l’usufruitier est défaillant ou que l’acte prévoit le contraire.

En résumé

Le nu-propriétaire ne peut pas habiter le bien sans accord, car le droit d’usage appartient à l’usufruitier.
Ce dernier, en revanche, peut occuper le logement ou loger un proche gratuitement, sous réserve de respecter la destination du bien.
En l’absence de démembrement, tout propriétaire peut héberger sans loyer, mais il est vivement conseillé de rédiger une convention d’occupation gratuite pour sécuriser la situation.

Sur Gererseul.com, vous trouverez des modèles de conventions, des outils pour gérer vos charges et états des lieux, ainsi qu’un espace fiscal pour mieux comprendre vos obligations selon votre statut de propriétaire.

Sources :

  • Service-public.fr – Démembrement de propriété
  • ANIL – Nu-propriétaire et usufruitier : répartition des droits et charges
  • Code civil – Articles 605 et 606 sur les réparations et grosses dépenses
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