L’augmentation des charges et la complexité des relevés de copropriété rendent fréquent un même problème : des charges locatives dites « abusives » parce qu’elles ne sont pas récupérables, mal ventilées ou simplement surévaluées. Pour le locataire, l’enjeu est double : distinguer ce qui peut légalement être réclamé de ce qui ne le peut pas, puis vérifier poste par poste (décompte annuel, pièces justificatives) avant d’engager une contestation formelle. Côté bailleur, la bonne pratique consiste à s’en tenir à la liste exhaustive des charges récupérables, à documenter chaque ligne et à conserver l’ensemble des justificatifs pour éviter tout litige.
Important : contester n’autorise pas à suspendre unilatéralement les paiements ; on avance, preuves à l’appui, par demandes écrites, mise en demeure, conciliation, puis, si besoin, juge. Les délais légaux et les modalités de preuve seront détaillés plus loin dans l’article.
Définition et périmètre : qu’est-ce qu’une charge abusive ?
Une charge devient « abusive » lorsqu’elle est réclamée au locataire alors qu’elle n’est pas récupérable, ou lorsque son montant excède les dépenses réellement engagées pour le service rendu. Dans la pratique, il s’agit souvent d’erreurs d’imputation (ex. frais relevant du propriétaire passés au locataire) ou d’une ventilation imprécise qui mélange entretien courant et travaux.
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Charges récupérables vs non récupérables
Les charges récupérables correspondent aux dépenses liées à des services rendus au locataire et à l’entretien courant des parties communes et équipements (eau froide, chauffage collectif, ascenseur, hygiène/ordures, éclairage des communs, personnel d’immeuble selon règles spécifiques, etc.). À l’inverse, restent non récupérables les gros travaux (toiture, ravalement, remplacement d’une chaudière collective), les frais de gestion du bailleur (honoraires non prévus, assurances du propriétaire, pénalités), ou encore les dépenses d’amélioration.
Quand parle-t-on d’abus ?
- Imputation au locataire d’une dépense non prévue par la liste des charges récupérables (ex. travaux d’amélioration, honoraires de syndic de gestion courante).
- Surévaluation ou double facturation (même poste facturé via le syndic et à nouveau par le bailleur).
- Facturation d’un poste « fourre-tout » (« entretien ») sans détail ni justificatif permettant d’identifier la nature exacte de la dépense.
- Récupération de taxes ou frais annexes au-delà de ce qui est légalement récupérable (ex. ajout de frais de gestion sur la TEOM).
À ne pas confondre
Un poste « élevé » n’est pas nécessairement « abusif » : une hausse réelle des coûts (énergie, contrat d’entretien, interventions ponctuelles) peut être légitime si elle est justifiée et documentée. De même, en bail meublé au forfait (ou certaines colocations), l’absence de régularisation n’implique pas d’abus en soi : le point clé est la conformité du régime choisi (forfait vs provisions) et la cohérence du montant avec les charges réelles attendues.
Ce qui est récupérable… et ce qui ne l’est pas
En location d’habitation, les charges récupérables correspondent aux dépenses liées à des services rendus au locataire et à l’entretien courant des parties communes et équipements. La règle est simple : seules les charges prévues par la liste réglementaire sont récupérables ; tout le reste ne l’est pas.
Dépenses typiquement non récupérables
- Gros travaux et remplacements (toiture, chaudière collective, modernisation d’ascenseur).
- Honoraires de gestion du bailleur ou du syndic non prévus dans la liste légale.
- Assurances du propriétaire.
- Pénalités et intérêts.
- Provisions de charges de copropriété non ventilées poste par poste.
- Pour la TEOM : seuls les montants figurant sur l’avis hors frais de gestion.
Points sensibles à sécuriser
- Personnel d’immeuble : vérification des tâches réellement assurées.
- Chauffage/eau chaude collectifs : distinction entre entretien courant et opérations exceptionnelles.
- Ascenseur : entretien courant oui ; modernisation/remplacement non.
- TEOM : exclure tout frais additionnel.
Indices d’anomalies et signaux faibles à traquer
Les charges abusives se repèrent souvent à des traces comptables : intitulés flous, postes anormalement stables ou, au contraire, très volatils, doublons entre syndic et bailleur, ou facturations « exceptionnelles » récurrentes.
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Intitulés trop génériques
Des lignes comme « entretien » ou « divers » sans détail empêchent de vérifier la nature exacte de la dépense. Exigez le libellé précis (produits ménagers, intervention technique, consommables) et la facture associée.
Doubles imputations et ventilations hasardeuses
On voit parfois une même charge facturée via l’appel de fonds du syndic et reproposée au locataire par le bailleur, ou des dépenses de gros entretien ventilées à tort en entretien courant. La vérification consiste à croiser décompte, factures et contrats d’entretien.
TEOM et taxes
La récupération doit se limiter à la ligne TEOM de l’avis de taxe foncière. Toute mention de frais de gestion annexes est à exclure.
Personnel d’immeuble
Erreurs fréquentes : application de pourcentages sans preuve des tâches réellement accomplies ou cumul « gardien + prestataire ménage » qui se recoupent. Vérifiez la part réellement récupérable.
Chauffage collectif
Certaines lignes de contrat correspondent à des opérations exceptionnelles non récupérables. Demandez le contrat d’exploitation.
Vérifier ses charges : méthode pas à pas
Commencez par rassembler le décompte annuel transmis avant la régularisation et, s’il y a copropriété, la ventilation par postes. Ouvrez votre droit de consultation des pièces (factures, contrats d’entretien, avis de taxe foncière pour la TEOM, relevés de compteurs) : elles doivent être tenues à disposition pendant une période dédiée après l’envoi du décompte.
Procédez par lecture poste par poste : ascenseur, chauffage/eau chaude, eau froide, propreté/ordures, éclairage des communs, espaces extérieurs, personnel d’immeuble, TEOM. Vérifiez que chaque ligne correspond bien à une dépense récupérable et qu’elle est documentée.
Terminez par un tableau de contrôle récapitulant, pour chaque poste : montant réclamé, justificatif associé, statut (récupérable/non récupérable), écart vs N-1, correction proposée.
Cas particuliers à bien maîtriser
TEOM / REOM
Seul le montant de la taxe indiquée sur l’avis de taxe foncière est récupérable, hors frais additionnels.
Personnel d’immeuble
La récupération dépend des tâches réellement accomplies et des règles de proportion applicables.
Forfait vs provisions (meublés, colocations)
Forfait : pas de régularisation. Provisions : régularisation annuelle obligatoire.
Chauffage et eau chaude collectifs
Distinguez entretien courant et opérations lourdes.
Ascenseur
Seul l’entretien courant est récupérable.
Délais et prescription
La régularisation des charges obéit à une prescription de trois ans : le bailleur peut réclamer des charges impayées sur trois ans, et le locataire dispose du même délai pour récupérer un trop-versé. Les pièces justificatives doivent être tenues à disposition pendant six mois.
Contester efficacement : la procédure pas à pas
- Demande de justificatifs si décompte insuffisant.
- Analyse poste par poste.
- Réclamation amiable.
- Mise en demeure (LRAR).
- Conciliation auprès de la CDC.
- Saisine du juge en dernier recours.
FAQ
Qu’est-ce qu’une charge abusive ?
Une charge est abusive lorsqu’elle ne figure pas dans la liste légale des charges récupérables ou lorsque son montant dépasse la dépense réellement engagée.
Où trouver la liste officielle des charges récupérables ?
Décret n° 87-713 du 26 août 1987.
Quelles dépenses ne sont jamais récupérables ?
Gros travaux, frais de gestion, assurances du bailleur, frais de modernisation, pénalités.
Comment vérifier mes charges avant de contester ?
Consultez les justificatifs, comparez avec les années précédentes.
Quel est le délai pour réclamer un trop-versé ?
Trois ans.
TEOM : que peut-on récupérer ?
Uniquement la taxe figurant sur l’avis, hors frais annexes.
Forfait vs provisions : quelles différences ?
Forfait : pas de régularisation. Provisions : régularisation annuelle.
Le salaire du gardien est-il récupérable ?
Oui, sous conditions.
Puis-je suspendre le paiement en cas de litige ?
Non, seules les sommes contestées peuvent être réservées.
Le bailleur peut-il faire un rappel important ?
Oui, dans la limite de trois ans.
Qui peut m’aider ?
ADIL, associations de locataires, syndic en copropriété.
Quelles références légales citer ?
Décret 87-713, loi du 6 juillet 1989 (article 23), Service-Public.
