Dès lors qu’il souhaite récupérer son bien libre de tout occupant, le propriétaire doit respecter la procédure très encadrée du congé pour vente, prévue par l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989.
Le moindre faux pas peut entraîner la nullité du congé, la reconduction du bail et parfois des sanctions financières.Délais de préavis de six mois, droit de préemption du locataire, protection des locataires âgés, acquisitions récentes : en 2025, les règles restent strictes et la jurisprudence récente rappelle régulièrement les bailleurs à l’ordre.
Voici un tour d’horizon complet pour sécuriser votre congé pour vente et votre projet de cession.
Congé pour vente : dans quel cadre
Le congé pour vente est un congé délivré par le bailleur à son locataire afin de mettre fin au bail à son échéance, dans le but de vendre le logement libre.
Il ne concerne que les locations vides à usage de résidence principale, soumises à la loi du 6 juillet 1989.
Dans ce cadre, le congé vaut offre de vente au profit du locataire, qui bénéficie d’un droit de préemption.
À l’inverse, lorsqu’un propriétaire choisit de vendre un logement occupé, il n’a pas besoin de délivrer un congé pour vente.
Le bail est simplement transmis à l’acquéreur, qui devient le nouveau bailleur et doit respecter les conditions initialement convenues.
Dans ce cas, le locataire ne bénéficie d’aucun droit de priorité à l’achat, et la vente se fait « occupée ».
À lire : Que dit la jurisprudence sur les climatisations en copropriété ?
Les locations meublées sont soumises à un autre régime.
Le bailleur peut donner congé pour vendre, avec un préavis de trois mois, mais le droit de préemption du locataire ne s’applique pas aux meublés, faute de renvoi de l’article 25-3 à l’article 15 de la loi de 1989.
Le congé pour vente au sens strict, avec offre de vente prioritaire au locataire, reste donc réservé au logement vide.
Vendre occupé ou donner congé pour vendre : deux stratégies très différentes
Un propriétaire a toujours le choix entre vendre occupé ou délivrer un congé pour vente afin de céder un bien libre.
Vendre occupé permet généralement de gagner du temps, d’éviter le formalisme du congé et les risques de litige, mais implique une décote fréquente du prix de vente, souvent comprise entre 5 % et 15 % selon le marché et la qualité du locataire.
À l’inverse, le congé pour vente permet de mettre sur le marché un logement libre, potentiellement plus attractif pour un acquéreur occupant.
Mais cette option suppose de respecter à la lettre le formalisme légal : délais, contenu, mode de notification, droit de préemption, protection éventuelle du locataire protégé.
Le choix doit donc s’anticiper plusieurs mois à l’avance.
Les délais du congé pour vente : le nerf de la guerre
Préavis de six mois pour un logement vide
Pour un logement vide, le bailleur doit respecter un préavis de six mois avant la fin du bail.
Ce délai est incompressible : il court à compter de la réception effective du congé par le locataire, et non de sa simple date d’envoi.
Si le congé parvient trop tard, le bail est tacitement reconduit pour trois ans, et le projet de vente libre est reporté d’autant.
À l’inverse, lorsque le bailleur délivre son congé pour vente plus de six mois avant l’échéance, le congé n’est pas nul, mais il ne produit effet qu’à compter de la période de six mois précédant la fin du bail.
Concrètement, le locataire peut se maintenir dans les lieux jusqu’au terme du contrat, même si le courrier est parti un an à l’avance.
Cas particulier des acquisitions récentes : la règle des trois ans
Lorsque le logement a été acquis occupé, l’article 15 de la loi de 1989 impose une règle particulière.
Si le terme du bail intervient plus de trois ans après l’acquisition, le nouveau propriétaire peut donner congé pour vente pour cette échéance, dans les conditions habituelles.
En revanche, si le terme du bail intervient moins de trois ans après l’achat, le bailleur ne pourra délivrer un congé pour vente qu’au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du bail.
En pratique, cela signifie qu’un investisseur qui achète un bien déjà loué peut devoir attendre plusieurs années avant de pouvoir vendre libre.
Cette règle s’applique aux acquisitions à titre onéreux (achat classique).
Pour les transmissions par succession ou donation, la question reste discutée : certaines décisions récentes ont contesté l’application mécanique de ce délai aux bailleurs héritiers, au nom du droit de propriété, mais la Cour de cassation n’a pas encore fixé une position totalement stabilisée.
Par prudence, il est recommandé de se faire accompagner par un notaire ou un avocat avant d’anticiper un congé dans ce type de configuration.
Les formes de notification valables du congé pour vente
Le congé pour vente doit être délivré par l’un des trois modes de notification prévus par la loi, sous peine de nullité.
La forme la plus courante reste la lettre recommandée avec avis de réception (LRAR).
Le point de départ du préavis de six mois est alors la date de réception par le locataire, matérialisée par la signature de l’avis.
À lire : Logement : comment calculer votre taux d’effort ?
La signification par commissaire de justice (ex-huissier) constitue la solution la plus sécurisante, car elle offre une date certaine, même en cas de refus du locataire de retirer le courrier ou de signer l’AR.
Enfin, la remise en main propre contre récépissé ou émargement est légalement admise, mais demeure délicate en pratique en raison des contestations possibles sur la date ou la signature.
En revanche, une simple lettre simple, un e-mail ou un SMS ne constituent pas des modes valables de notification du congé.
Un avis de passage d’une lettre recommandée non réclamée ne suffit pas non plus à prouver la réception : en cas de contentieux, le congé risque d’être déclaré nul, avec reconduction du bail.
Lorsque le congé est délivré par un intermédiaire (agence immobilière, administrateur de biens, notaire), le document doit clairement mentionner l’identité du propriétaire bailleur.
En cas de pluralité de locataires (couple, colocataires), le congé pour vente doit être adressé séparément à chacun, à peine de nullité.
Contenu obligatoire du congé pour vente : un formalisme très strict
Un prix net de frais d’agence et des conditions de vente précises
Le congé pour vente vaut offre de vente au profit du locataire.
Il doit donc mentionner clairement le prix de vente et les conditions essentielles de la transaction (conditions de paiement, éventuelle condition suspensive de prêt, etc.).
Ce prix doit être indiqué hors frais d’agence : en cas de préemption, le locataire ne peut pas se voir imposer le paiement d’honoraires de négociation, qui rémunèrent une activité d’entremise inexistante lorsque c’est lui qui achète le logement qu’il occupe déjà.
La jurisprudence est constante : un congé mentionnant un prix frais d’agence inclus peut être jugé nul, car il renchérit artificiellement l’offre faite au locataire.
Le propriétaire qui souhaite confier la vente à une agence doit donc bien distinguer le prix net vendeur proposé au locataire et le prix qui sera affiché en cas de mise sur le marché classique.
Description du logement et des annexes
Le congé doit également contenir une description précise du logement et de ses dépendances : cave, parking, garage, chambre de service rattachée, etc.
Il s’agit de définir clairement le bien objet de l’offre, afin d’éviter toute contestation.
La mention de la surface n’est pas légalement obligatoire dans le congé, mais si elle est indiquée, elle doit être exacte.
Reproduction des cinq premiers alinéas de l’article 15 II
L’article 15 impose au bailleur de reproduire dans le congé pour vente les cinq premiers alinéas du II du texte.
Ces dispositions expliquent au locataire les règles du droit de préemption, les délais dont il dispose pour répondre, ainsi que les conséquences de son acceptation ou de son silence.
L’absence de cette reproduction est un motif classique de nullité du congé.
Notice d’information obligatoire à annexer
Depuis l’arrêté du 13 décembre 2017, une notice d’information officielle doit être jointe au congé pour reprise ou pour vente.
Ce document rappelle les obligations du bailleur et les voies de recours du locataire.
Même si la jurisprudence ne sanctionne pas toujours son absence par la nullité, les professionnels recommandent vivement de l’annexer systématiquement pour limiter les risques de contentieux.
Droit de préemption du locataire : priorité à l’achat pendant deux mois
En matière de congé pour vente, le locataire bénéficie d’un droit de préemption : il est prioritaire pour acheter le logement qu’il occupe, au prix et aux conditions indiqués dans le congé.
Ce droit s’exerce pendant les deux premiers mois du délai de préavis.
Durant cette période, le bailleur ne peut ni vendre ni signer de promesse avec un tiers.
Si le locataire accepte l’offre, il doit le faire par écrit dans ce délai de deux mois.
Il dispose alors de deux mois supplémentaires pour signer l’acte authentique s’il n’a pas recours à un prêt, ou de quatre mois en cas de financement bancaire, à condition d’avoir indiqué dans sa réponse qu’il recourt à un crédit.
Le bail est automatiquement prorogé jusqu’à la signature de l’acte ou l’expiration de ces délais.
Si, à l’issue de ces deux ou quatre mois, la vente n’est pas réalisée (refus de prêt, absence de signature, renonciation), l’acceptation devient nulle de plein droit et le locataire perd son titre d’occupation.
De son côté, s’il ne répond pas dans les deux mois suivant la réception du congé, il est réputé avoir renoncé à son droit de préemption.
Point important souvent méconnu : lorsqu’un congé pour vente est régulièrement délivré, le locataire peut quitter le logement à tout moment pendant le délai de préavis, sans avoir à respecter son propre préavis habituel.
Il ne doit alors acquitter que les loyers et charges correspondant à la période pendant laquelle il a effectivement occupé les lieux.
Baisse de prix et droit de préemption subsidiaire
La loi protège également le locataire en cas de baisse de prix ou de conditions de vente plus avantageuses postérieurement au congé.
Si le bailleur décide finalement de vendre à un tiers pour un prix inférieur ou à des conditions plus favorables (facilités de paiement, conditions suspensives allégées…), il doit notifier ces nouvelles conditions au locataire.
Cette notification vaut alors nouvelle offre de vente, que le locataire peut accepter dans un délai d’un mois.
À défaut de cette nouvelle offre, la vente conclue avec le tiers encourt la nullité, parfois plusieurs mois après sa signature.
En pratique, les notaires considèrent que cette vigilance doit être maintenue pendant une période pouvant aller jusqu’à 18 mois après le départ du locataire.
Locataires protégés : la situation particulière des plus de 65 ans
Le législateur a instauré un régime spécifique pour le locataire protégé.
Lorsque le locataire a plus de 65 ans à la date d’échéance du bail et que ses ressources annuelles sont inférieures aux plafonds des logements locatifs conventionnés, le bailleur ne peut délivrer un congé pour vente qu’à condition de proposer un relogement adapté à ses besoins et à ses possibilités, dans un périmètre raisonnable.
Cette protection s’applique également lorsque le locataire a à sa charge une personne de plus de 65 ans vivant habituellement dans le logement, sous réserve que les ressources cumulées du foyer restent sous les plafonds.
À l’inverse, la protection cesse lorsque le bailleur lui-même est âgé de plus de 65 ans ou dispose de ressources inférieures à ces mêmes plafonds : dans ce cas, le congé pour vente peut être délivré sans obligation de relogement.
Erreurs fréquentes à éviter absolument
La première erreur, la plus répandue, est d’indiquer un prix de vente frais d’agence inclus dans le congé.
Le locataire qui préempte ne doit pas supporter les honoraires d’agence : leur inclusion rend l’offre irrégulière et peut conduire à la nullité du congé.
Seconde erreur classique : fixer un prix manifestement dissuasif, très au-dessus du marché, pour empêcher le locataire d’acheter.
Une telle manœuvre peut être qualifiée de fraude à la loi et entraîner l’annulation du congé, voire une amende pénale et des dommages et intérêts.
D’autres fautes reviennent régulièrement : omission d’un des éléments obligatoires du congé, non-respect de la règle des trois ans en cas d’acquisition récente, congé adressé à un seul des colocataires seulement, absence de notice d’information, ou encore utilisation d’un mode de notification invalide.
Toutes ces erreurs peuvent retarder la vente de plusieurs années.
Bonnes pratiques pour sécuriser un congé pour vente
Le meilleur réflexe pour un bailleur reste d’anticiper.
Il est recommandé de se pencher sur le calendrier du bail au moins un an avant l’échéance, afin de décider s’il est plus pertinent de vendre occupé ou de délivrer un congé pour vente, et de vérifier la présence éventuelle d’un locataire protégé.
Sur le plan juridique, le recours à un commissaire de justice pour signifier le congé offre une sécurité maximale sur la date et la preuve de notification.
Faire relire le projet de congé par un notaire ou un avocat en droit immobilier constitue également un investissement raisonnable au regard des enjeux : un congé nul signifie souvent trois années supplémentaires d’indisponibilité du bien.
Enfin, le bailleur a tout intérêt à documenter l’ensemble de la procédure : copies des congés, AR, échanges avec le locataire, éventuelles offres de relogement, réponses ou silences.
En cas de contestation devant le tribunal judiciaire, ce dossier sera déterminant.
Le congé pour vente demeure un outil indispensable pour le propriétaire qui souhaite vendre son logement libre de tout occupant.
Mais en 2025, le cadre légal est plus que jamais exigeant : formalisme strict, droit de préemption du locataire, règle des trois ans, protection des locataires âgés.
Trois idées clés doivent être retenues : le préavis de six mois pour un logement vide est intangible, le prix notifié doit être net de toute commission d’agence, et le congé doit respecter scrupuleusement les prescriptions de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 sous peine de nullité.
Dans le doute, mieux vaut s’entourer de professionnels du droit et envisager, le cas échéant, la vente occupée, parfois plus simple et plus rapide que la vente libre.
Bien préparé et correctement rédigé, le congé pour vente reste une démarche efficace pour optimiser la valorisation de son patrimoine tout en respectant les droits du locataire.
