Durée du mandat exclusif après la loi ALUR : règles, délais et modèles

Le mandat exclusif de vente est un contrat par lequel un propriétaire confie la commercialisation de son bien à une seule agence immobilière. Régi par la loi Hoguet de 1970, il est encadré depuis 2014 par la loi ALUR, qui a renforcé les obligations de transparence et les droits des vendeurs. La loi Consommation (Hamon) complète cet arsenal en encadrant le droit de rétractation pour les mandats signés hors établissement.

Comprendre la durée, la période d’irrévocabilité et les modalités de résiliation de ce contrat est essentiel pour éviter les litiges. Voici, point par point, ce que la loi prévoit et ce que les agences peuvent négocier.

Ce que la loi impose vraiment (et ce que le contrat peut prévoir)

Le mandat exclusif est obligatoirement écrit, conformément à l’article 6 de la loi Hoguet n°70-9 du 2 janvier 1970 et à son décret d’application du 20 juillet 1972. Il doit mentionner plusieurs éléments essentiels :
l’identification du mandant et du mandataire, la désignation du bien, le prix souhaité, la durée du contrat, la rémunération, le numéro d’enregistrement au registre des mandats, et la clause d’exclusivité.

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La loi ALUR (article L.111-1 du Code de la consommation) impose en outre la transparence des honoraires et la communication d’une fiche d’information précontractuelle. Le vendeur doit connaître la durée exacte de l’engagement, les conditions de résiliation et le montant des honoraires avant toute signature.

Une durée déterminée, pas d’obligation de “3 mois”

La durée du mandat exclusif doit être clairement stipulée dans le contrat. Contrairement à une idée répandue, la loi n’impose pas une durée uniforme de trois mois : c’est un usage de marché. L’essentiel est que cette durée soit raisonnable et déterminée dès la signature.

La période d’irrévocabilité

Pendant une période initiale — souvent trois mois fermes —, le vendeur ne peut pas résilier le mandat. Cette irrévocabilité vise à protéger l’agence qui engage des frais de commercialisation (photos, annonces, visites). Mais la clause ne doit pas priver le mandant de sa liberté : à l’issue de cette période, le contrat peut être dénoncé à tout moment avec un préavis de 15 jours.

Reconduction et information préalable

La reconduction tacite de l’exclusivité est encadrée depuis la loi ALUR : elle ne peut intervenir qu’à condition que le mandant soit clairement informé et puisse s’y opposer. À défaut d’information, la clause de reconduction est réputée non écrite.
En revanche, le mandat lui-même (sans exclusivité) peut être reconduit si le contrat le prévoit et que le vendeur est prévenu au moins 15 jours avant l’échéance, conformément à la logique “Chatel” issue du Code de la consommation.

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Loi vs Contrat

Loi : durée déterminée obligatoire, mentions essentielles, transparence des honoraires, droit de rétractation, interdiction d’irrévocabilité illimitée.
Contrat : choix de la durée (3, 6 ou 12 mois), préavis, modalités de reconduction, conditions d’exclusivité.

Durée pratique d’un mandat exclusif : les formats du marché (et leurs effets)

Dans la pratique, plusieurs modèles de mandat exclusif coexistent, adaptés à la situation du marché ou au profil du vendeur.

Le format “3 mois fermes puis tacite prolongation mensuelle”

C’est le format le plus courant. Le mandat est irrévocable pendant trois mois ; ensuite, il se poursuit par périodes d’un mois, résiliables avec un préavis de 15 jours. Cette organisation garantit à l’agence un minimum de stabilité tout en laissant au vendeur la liberté de rompre s’il n’est pas satisfait.

Le format “90 jours secs”

Certaines agences préfèrent un mandat de 90 jours non reconductible : à la fin de la période, il prend fin automatiquement. Si la commercialisation continue, un nouveau mandat doit être signé. Ce modèle est plus souple pour le vendeur, mais il interrompt parfois la dynamique commerciale.

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Le format “6 semaines + 6 semaines”

Dans les zones tendues (Paris, Lyon, Bordeaux), certains professionnels adoptent un modèle plus court : 6 semaines fermes renouvelables une fois. Cela crée une pression commerciale forte et permet au vendeur de réévaluer rapidement la performance de l’agence.

Chaque format a ses avantages et limites : un mandat long favorise la visibilité et la stabilité des actions marketing, tandis qu’un mandat court renforce la flexibilité du vendeur mais peut réduire la motivation de l’agence.

Reconduction & non-reconduction après la loi ALUR

Depuis ALUR, la reconduction tacite de l’exclusivité est largement découragée, voire considérée comme abusive. L’agence doit informer expressément le vendeur avant toute prolongation. Une reconduction automatique sans information préalable est nulle.

En revanche, la reconduction du mandat simple (non exclusif) demeure possible si une clause claire l’autorise et si le vendeur reçoit une information préalable sur son droit d’opposition.

Non-reconduction volontaire

Le vendeur qui ne souhaite pas prolonger doit notifier sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception plusieurs jours avant la fin du mandat. En pratique, un délai de 15 jours est souvent admis. La lettre doit préciser la référence du mandat, la date de fin prévue et la demande de confirmation écrite.

Résilier un mandat exclusif : quand, comment, à quel coût ?

1. Pendant la période d’irrévocabilité

La résiliation est en principe impossible durant cette période. Seules exceptions :

  • faute grave du mandataire (par exemple absence totale de communication ou non-respect des engagements contractuels) ;
  • clause résolutoire prévue dans le mandat.

Le vendeur doit alors adresser une mise en demeure à l’agence, en listant les manquements constatés et en se réservant le droit de rompre le contrat pour faute.

2. Après la période d’irrévocabilité

Une fois les trois mois écoulés, la résiliation devient libre, moyennant un préavis de quinze jours. La notification doit se faire par lettre recommandée avec AR, adressée au siège de l’agence indiqué dans le mandat.

3. Mandat signé hors établissement ou à distance

La loi Hamon du 17 mars 2014 accorde un droit de rétractation de 14 jours pour tout mandat signé en dehors de l’agence (au domicile du client ou par voie électronique).
Ce droit n’est valable que si aucune exécution n’a commencé : dès qu’une visite ou une mise en ligne d’annonce est réalisée avec accord écrit du vendeur, le droit s’éteint.

4. Manquement de l’agence

Si l’agence ne remplit pas ses obligations (absence de publicité, défaut de compte rendu, manquement à la clause de moyens), le vendeur peut invoquer une résiliation pour faute.
Il lui faudra prouver que le professionnel n’a pas mis en œuvre les moyens promis. En cas de litige, la jurisprudence reconnaît ce droit lorsque le comportement de l’agence rend impossible la poursuite du contrat.

Calendriers types pour ne pas rater les délais

Cas A : mandat de 3 mois fermes

  • J+60 à J+75 : envoi de la lettre de non-reconduction si le vendeur ne souhaite pas prolonger.
  • J+90 : fin d’exclusivité, le propriétaire peut vendre directement sans verser d’honoraires (sauf clause post-mandat).

Cas B : mandat à tacite prolongation mensuelle

Avant chaque échéance mensuelle, la résiliation doit être notifiée avec un préavis de 15 jours.

Cas C : mandat signé à distance

Le vendeur dispose de 14 jours francs pour se rétracter, à compter du lendemain de la signature. Si la dernière journée tombe un dimanche ou jour férié, le délai est prolongé jusqu’au jour ouvrable suivant.

Clauses à repérer (et à négocier) dans un mandat exclusif

Plusieurs clauses méritent une attention particulière :

  • La durée et la reconduction, qui doivent être écrites en caractères lisibles.
  • La clause d’exclusivité, souvent associée à une pénalité si le bien est vendu sans l’agence pendant le mandat.
  • La clause post-mandat, qui prévoit que les honoraires restent dus si l’acheteur a été présenté par l’agence pendant le mandat et signe dans les mois qui suivent.
  • Les obligations de moyens : photographies professionnelles, diffusion sur portails, compte-rendus périodiques.
  • L’adresse précise pour l’envoi des résiliations.

Le vendeur doit s’assurer que ces clauses sont proportionnées et qu’elles ne le privent pas de sa liberté de contracter après la fin du mandat.

Comparatif : exclusif, simple, semi-exclusif

  • Mandat exclusif : l’agence est seule à vendre, forte implication commerciale, mais rigidité sur la durée.
  • Mandat simple : plusieurs agences peuvent intervenir, le vendeur peut aussi vendre seul ; durée souvent plus courte et résiliation libre.
  • Mandat semi-exclusif : compromis entre les deux ; le vendeur peut vendre lui-même à un acheteur non présenté par l’agence, mais doit respecter les conditions convenues.

Selon le marché, le mandat exclusif reste majoritaire dans les grandes villes où la concurrence est forte, tandis que le mandat simple domine dans les zones rurales ou détendues.

Pièges fréquents et idées reçues à corriger

  • “Trois mois obligatoires” ? Faux. La loi n’impose aucune durée fixe ; seule une durée déterminée est exigée.
  • “Reconduction toujours interdite” ? Non : elle est possible, mais uniquement avec information préalable et accord exprès.
  • “On peut tout résilier quand on veut” ? Faux pendant la période d’irrévocabilité.
  • “Pas d’honoraires si je vends moi-même après la fin” ? Attention à la clause post-mandat : si l’acheteur a été présenté pendant le mandat, la commission reste due.

FAQ

La loi ALUR fixe-t-elle une durée maximale de 3 mois ?
Non. Elle impose la transparence et le caractère déterminé du mandat, mais pas de durée légale fixe. Trois mois est une pratique courante.

La reconduction tacite est-elle interdite ?
Oui pour l’exclusivité, sauf information expresse du vendeur. Elle reste possible pour le mandat non exclusif si la clause est claire.

Comment résilier un mandat exclusif de 3 mois ?
En respectant la période ferme, puis en envoyant une lettre recommandée avec un préavis de 15 jours.

Puis-je me rétracter dans les 14 jours ?
Oui, uniquement pour un mandat signé hors établissement et si aucune visite ou publicité n’a encore eu lieu.

Dois-je payer si je trouve moi-même l’acheteur ?
Oui, tant que le mandat exclusif est en vigueur. Après la fin du mandat, les honoraires ne sont dus que si la vente concerne un acheteur présenté par l’agence.

Sources :

  • Loi n°70-9 du 2 janvier 1970 (dite Loi Hoguet) et décret du 20 juillet 1972 — Légifrance.gouv.fr
  • Loi n°2014-366 du 24 mars 2014 (loi ALUR)
  • Code de la consommation, articles L.121-16 et suivants (loi Hamon)
  • Service-Public.fr, fiche “Mandat de vente : exclusif, simple ou semi-exclusif”
  • DGCCRF — Fiche pratique “L’agent immobilier : les règles qui encadrent la profession”
  • INSEE & jurisprudence 2023 (CA Paris, 17 mai 2023, n°21/18278)
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