Peinture après 5 ans de location : droits du locataire, obligations du bailleur, qui paie quoi ?

Au bout de cinq ans d’occupation, les murs ont vécu : teintes qui ternissent, micro-chocs, quelques trous d’accroche… Faut-il tout repeindre avant de rendre les clés ? Et surtout, qui paie quoi entre le locataire et le bailleur ?

Le droit distingue l’« entretien courant » et la « vétusté » (usure normale due au temps et à l’usage). Le premier incombe au locataire ; la seconde reste à la charge du bailleur. Toute la difficulté est donc de qualifier ce que l’on voit à l’état des lieux de sortie, en le comparant précisément à l’état des lieux d’entrée, puis de chiffrer de façon proportionnée.

Dans cet article, on pose le cadre (décence, réparations locatives, grille de vétusté si elle existe), on illustre par des cas concrets et on donne la bonne méthode pour éviter à la fois les retenues « au forfait » et les remises en état injustifiées.

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Règles de base à connaître (décence, entretien courant, usure normale)

Le locataire doit maintenir le logement en bon état d’usage et de propreté et réaliser les menues réparations et petits raccords de peinture lorsque c’est possible et cohérent (reboucher proprement des trous de chevilles, nettoyer des traces lessivables, reprendre une éraflure localisée avec la même teinte et la même finition).

La vétusté, c’est-à-dire l’usure normale liée au temps et à l’usage raisonnable, ne peut pas être imputée au locataire. Une peinture qui a simplement terni, matifié autour des interrupteurs ou perdu un peu d’éclat au fil des années relève du bailleur. À l’inverse, ce qui résulte d’un usage anormal ou d’un défaut d’entretien (taches grasses incrustées, multiples percements non rebouchés, reprises visibles qui imposent de repeindre tout un pan de mur, couleurs très sombres non restituées en teinte neutre, jaunissement lié au tabac) peut justifier une participation financière du locataire.

Le logement doit rester « décent » : des peintures tellement dégradées qu’elles portent atteinte à la salubrité (moisissures non traitées, cloquages généralisés liés à un défaut de ventilation) relèvent du bailleur, sauf faute du locataire clairement démontrée.

Enfin, tout se joue sur la preuve : comparez systématiquement l’état des lieux d’entrée et de sortie, idéalement avec photos datées. Sans comparaison fiable ni devis/factures détaillés, les retenues sur dépôt de garantie s’exposent à la contestation.

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Après 5 ans : qui paie quoi ? (vétusté & répartition)

Après 5 ans d’occupation, on applique un principe simple : l’« usure normale » reste au bailleur, les dégradations imputables au locataire peuvent être refacturées… après déduction de la vétusté. Concrètement, on commence par comparer l’état des lieux d’entrée et de sortie, puis on chiffre au réel (zone concernée, type de finition) et au prorata d’ancienneté des peintures.

1) S’il existe une grille de vétusté (annexée au bail ou convenue par écrit), on l’applique : elle fixe une durée de vie conventionnelle (ex. 7 à 10 ans pour des peintures intérieures) et un abattement annuel. En cas de dégradation anormale, le locataire ne supporte que la valeur résiduelle : coût des travaux × (1 – taux de vétusté), jamais le remplacement « à neuf » intégral si la peinture a déjà vécu.

2) S’il n’y a pas de grille, on raisonne au bon sens et au proportionné :

Usure normale (teinte ternie, micro-lustrage autour des poignées, léger farinage) ⇒ à la charge du bailleur.

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Dégradations imputables (multiples trous non rebouchés, taches indélébiles, reprises mal faites obligeant à reprendre tout un pan, couleurs très sombres posées sans accord et non restituées) ⇒ à la charge du locataire, mais seulement pour la zone réellement impactée et en tenant compte de l’âge des peintures.

3) Cas particuliers fréquents :

Jaunissement lié au tabac : souvent qualifié de dégradation anormale (hors simple vétusté) quand il impose une sous-couche anti-nicotine et une remise à niveau globale.

Moisissures/infiltrations dues à un défaut de ventilation ou d’étanchéité (problème structurel) ⇒ bailleur ; si la cause est un manque d’aération manifeste imputable au locataire (bouches obstruées, VMC coupée), une participation peut être retenue.

Exemples pour cadrer :

Peinture refaite il y a 6 ans, devis 300 € pour reprendre un mur taché : avec une durée de vie conventionnelle de 7 ans, la vétusté ≈ 6/7, donc valeur résiduelle ≈ 1/7 ⇒ environ 43 € à la charge du locataire (et non 300 €).

Peinture âgée de 2 ans, multiples percements non rebouchés imposant la reprise d’un pan complet (devis 200 €) : vétusté 2/7, valeur résiduelle 5/7 ⇒ ≈ 143 € imputables au locataire.

À retenir : on évite toute retenue forfaitaire (« on refait tout l’appart »), on documente (photos, devis/factures détaillés, mention de la zone) et on déduit la vétusté. C’est le meilleur moyen d’être équitable et inattaquable en cas de contestation.

Cas concrets à l’état des lieux : vétusté ou imputable au locataire ?

Vétusté (à la charge du bailleur) : teinte qui ternit de façon uniforme, léger lustrage autour des poignées, micro-rayures sans arrachement, matification des zones de passage, traces effaçables qui disparaissent au nettoyage, reprises anciennes déjà présentes à l’entrée.

Imputable (à la charge du locataire, après déduction de la vétusté) : multiples trous non rebouchés, chevilles laissées en place, taches grasses ou marqueurs indélébiles, stickers décollés arrachant la peinture, reprises grossières visibles imposant de reprendre tout un pan, peinture très sombre appliquée sans accord et non restituée en teinte neutre.

Situations particulières à trancher :

Jaunissement lié au tabac : souvent qualifié de dégradation anormale s’il nécessite sous-couche anti-nicotine et remise en blanc généralisée.

Moisissures : si l’origine est un défaut structurel (infiltration, pont thermique, VMC défaillante), c’est au bailleur ; si la ventilation a été volontairement obstruée ou coupée, une part peut être imputée au locataire.

Dégâts d’accrochage lourd (TV murale, barres de traction) : imputables si le rebouchage et la remise en peinture n’ont pas été faits proprement.

Méthode de chiffrage recommandée :

Limiter la facturation à la zone réellement impactée (un mur, un pan).

Chiffrer au devis selon la finition (mat/satin, monocouche/bicouche, sous-couche éventuelle).

Appliquer la vétusté si une grille est convenue ; à défaut, raisonner de façon proportionnée selon l’âge des peintures.

Joindre au décompte des photos comparatives et les devis/factures pour sécuriser la retenue sur dépôt de garantie.

Grille de vétusté : mode d’emploi pour la peinture

La grille de vétusté est un accord écrit (annexé au bail ou signé en cours de bail) qui fixe la durée de vie conventionnelle des peintures et l’abattement à appliquer chaque année. Elle sert à répartir équitablement le coût des remises en état entre bailleur (usure normale) et locataire (dégradations), sans facturer « du neuf » quand la peinture a déjà plusieurs années.

Ce qu’elle doit préciser

Une durée de vie de référence par poste (couramment 7 à 10 ans pour une peinture intérieure, 5 à 7 ans en zones très sollicitées comme cuisine/SDB).

Un rythme d’amortissement (linéaire le plus souvent : même abattement chaque année ; parfois une franchise la 1re année, puis un pourcentage régulier).

Le périmètre d’application (mur, pan de mur, pièce entière) pour éviter les facturations globales si seule une zone est touchée.

Formule simple (amortissement linéaire)

Valeur résiduelle = coût des travaux × (1 − années écoulées / durée de vie).

La part locataire en cas de dégradation = valeur résiduelle, et uniquement sur la zone réellement impactée.

Exemples concrets

Peinture refaite il y a 8 ans, durée de vie 8 ans : vétusté 100 %. Sauf faute lourde, la reprise relève du bailleur.

Peinture refaite il y a 3 ans, durée de vie 8 ans, devis 240 € pour reprendre un pan abîmé : valeur résiduelle = 240 × (1 − 3/8) = 240 × 5/8 = 150 € imputables.

Cuisine repeinte il y a 5 ans, durée de vie 6 ans (zone sollicitée), devis 320 € : valeur résiduelle = 320 × (1 − 5/6) = 320 × 1/6 ≈ 53 €.

Sans grille convenue

On applique les mêmes principes de bon sens : prise en compte de l’âge des peintures, limitation au périmètre touché, justification par devis et photos. En cas de litige, les juges retiennent souvent un amortissement linéaire et écartent les retenues forfaitaires non justifiées.

Bon réflexe rédactionnel : annexer au bail une grille claire (durées, abattements, exemples). Elle sécurise les deux parties et réduit fortement les contestations lors de la restitution du dépôt de garantie.

Préparer et documenter l’état des lieux de sortie

Anticipez quelques jours avant la remise des clés. Faites un tour pièce par pièce avec l’état des lieux d’entrée sous les yeux et comparez visuellement teinte, homogénéité et finitions. Nettoyez les murs lessivables, reprenez les petites marques accessibles (retouches ponctuelles avec la même peinture, rebouchage soigné des trous de chevilles, ponçage léger puis reprise locale). Évitez les reprises visibles qui obligeraient à repeindre tout un pan : si la teinte ou la brillance n’est plus disponible, mieux vaut assumer une petite retenue chiffrée que d’engendrer une remise à neuf disproportionnée.

Le jour J, faites constater la réalité des surfaces affectées et leur périmètre exact (un mur, un demi-pan, un angle). Prenez des photos datées cadrant large puis de près, et juxtaposez-les aux photos d’entrée si vous en aviez. Si une remise en peinture est envisagée, demandez un devis détaillé poste par poste (préparation, sous-couche éventuelle, couche(s), surface au m²) et vérifiez que le chiffrage est limité à la zone impactée. Rappelez, s’il y a retenue, l’application de la vétusté prévue à la grille (ou, à défaut, un amortissement raisonnable au regard de l’âge des peintures).

En cas de désaccord, consignez l’observation sur le document d’état des lieux et conservez toutes les pièces (devis, échanges, photos). Cette traçabilité facilitera une solution amiable, puis si nécessaire une conciliation ou une contestation ultérieure.

Obligations légales : réparations locatives, décence et preuves

Le cadre est simple : le locataire assure l’entretien courant et les menus raccords de peinture ; le bailleur garantit la décence du logement et prend en charge ce qui relève de la vétusté ou d’un défaut du bâti (humidité structurelle, infiltration, ventilation défaillante). L’état des lieux d’entrée et de sortie sert de base de comparaison : sans constats précis et datés, il sera difficile de justifier une retenue.

Côté locataire, on attend un logement rendu propre, avec les petits trous rebouchés et des retouches soignées lorsque c’est possible. Côté bailleur, toute retenue sur le dépôt de garantie doit être documentée par des devis ou factures détaillés, limités aux surfaces réellement concernées et après application d’un abattement de vétusté. Une peinture uniformément passée au bout de plusieurs années relève de l’usure normale : la remise à neuf incombe alors au propriétaire.

Pensez au calendrier : la restitution du dépôt de garantie intervient dans un délai d’un mois si l’état des lieux de sortie est conforme, deux mois s’il ne l’est pas. En cas de désaccord, conservez photos comparatives, échanges et chiffrages ; tentez une conciliation (commission départementale de conciliation) avant, le cas échéant, de saisir le juge. Cette rigueur procédurale évite les retenues forfaitaires et sécurise les deux parties.

Et si on n’est pas d’accord ? (médiation, CDC, juge)

Commencez par l’amiable. Récapitulez par écrit votre position (périmètre exact, âge des peintures, calcul de vétusté, devis au m², photos d’entrée/sortie). Envoyez une mise en demeure en recommandé AR en fixant un délai court (8 à 15 jours) pour accepter votre chiffrage ou proposer un contre-devis motivé. Proposer, si besoin, une transaction : retenue plafonnée, échelonnement, ou reprise localisée par un professionnel choisi d’un commun accord.

Si le désaccord persiste (et c’est souvent le cas pour une retenue sur dépôt de garantie), saisissez la Commission départementale de conciliation (CDC) du lieu du logement. La procédure est gratuite et rapide : formulaire + pièces (bail et états des lieux, photos, devis/factures, calcul de vétusté, échanges). Vous serez convoqués à une réunion (généralement sous 1 à 3 mois). L’issue est un procès-verbal de conciliation (accord) ou de non-conciliation (désaccord). Pour la plupart des litiges ≤ 5 000 €, une tentative amiable (CDC/conciliation/médiation) est aujourd’hui préalable avant de saisir le juge : conservez l’accusé de réception et le PV de la CDC.

En l’absence d’accord, saisissez le juge des contentieux de la protection (tribunal judiciaire du lieu du bien). Deux voies possibles :

Requête (vous déposez un dossier complet, le greffe convoque ensuite), adaptée quand vous demandez la restitution d’une partie du dépôt de garantie ou contestez une retenue.

Assignation par commissaire de justice (utile si urgence ou si vous attendez aussi des mesures d’exécution).

Soignez le dossier probatoire : bail et annexes (grille de vétusté), états des lieux d’entrée et de sortie signés, photos datées et comparatives, devis détaillés (surfaces, préparation, sous-couche, finitions), factures éventuelles, courriers et mails, calcul de la valeur résiduelle après vétusté. Le juge écarte fréquemment les retenues forfaitaires ou non limitées à la zone impactée, et privilégie un amortissement linéaire cohérent avec l’âge des peintures.

Côté délais, comptez souvent 3 à 8 mois selon les juridictions. Si vous obtenez un jugement (titre exécutoire) en votre faveur mais que la partie adverse ne paie pas, un commissaire de justice pourra engager les voies d’exécution (saisie sur compte, sur rémunérations…), dans les limites légales.

 

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