Le “rattrapage” d’augmentation de loyer est l’un des sujets les plus mal compris en location immobilière. Beaucoup de propriétaires pensent pouvoir recalculer le loyer à partir de plusieurs années d’IRL non appliquées, comme si une mise à jour tardive permettait de compenser le temps perdu. Or, en bail d’habitation, la loi est catégorique : la révision du loyer n’est pas rétroactive. Le bailleur ne peut appliquer que la hausse correspondant à la dernière période, et uniquement à compter de sa notification au locataire.
Depuis la réforme de 2014 et les limitations intervenues en zones tendues, la mécanique est strictement encadrée. Il faut une clause de révision dans le bail, une notification dans les douze mois suivant la date prévue, et le respect de plusieurs garde-fous : encadrement des loyers, gel pour les logements classés F ou G au DPE, et cohérence du calcul IRL. Cet article clarifie en profondeur ce que peut réellement faire un bailleur en 2025, et ce qui lui est totalement interdit.
Rattrapage ou révision IRL : deux notions à ne pas confondre
Beaucoup de propriétaires parlent de “rattrapage” en pensant qu’il est possible de remonter sur plusieurs années pour appliquer les indices IRL oubliés. En réalité, cette pratique est interdite en bail d’habitation. La révision annuelle n’a d’effet que pour l’avenir, jamais pour le passé. On ne peut donc réviser le loyer qu’à partir de la date de notification au locataire.
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Pour exercer la révision IRL, trois conditions sont obligatoires : une clause écrite dans le bail, un délai d’action de 12 mois à compter de la date prévue, et l’application de l’indice du même trimestre de référence. Le calcul est simple : Loyer révisé = Loyer actuel × (IRL N / IRL N-1). Sans clause IRL, aucune hausse n’est possible en cours de bail, même si les indices ont augmenté pendant plusieurs années.
Les hausses non demandées dans les délais sont définitivement perdues. Elles ne peuvent pas être récupérées au moment du renouvellement ni via une quelconque demande rétroactive. Si le loyer est manifestement trop bas, il faudra actionner une procédure spécifique de loyer sous-évalué, totalement distincte du mécanisme IRL.
Le cadre légal : clause obligatoire, délai d’un an, non-rétroactivité
La révision du loyer n’existe que si le bail comporte une clause de révision annuelle. Cette clause précise le trimestre IRL de référence retenu pour le calcul. La révision ne peut intervenir qu’une fois par an, à la date indiquée dans le contrat ou, à défaut, à la date anniversaire du bail.
Le bailleur dispose d’un délai maximal de 12 mois pour exercer son droit. S’il agit après ce délai, la révision pour cette période est perdue, et il devra attendre la prochaine échéance. Cette limitation vise à protéger le locataire contre des hausses trop tardives pouvant créer des tensions dans la relation locative.
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La révision produit effet uniquement à compter de la notification faite au locataire, par écrit, idéalement par lettre recommandée ou remise en main propre contre signature. Les loyers déjà payés ne peuvent jamais être révisés. Cette règle protège la stabilité du contrat de location et garantit une transparence totale dans l’évolution du montant demandé.
Conditions à respecter avant toute révision en 2025
Pour appliquer une hausse IRL, le bailleur doit d’abord vérifier que le bien n’est pas soumis à un gel des loyers. Depuis les dernières réglementations, les logements classés F ou G au DPE ne peuvent faire l’objet d’aucune augmentation, y compris via l’IRL. Il s’agit d’un dispositif destiné à encourager la rénovation énergétique du parc immobilier.
En zone tendue, l’encadrement des loyers limite également la possibilité de réviser le loyer. Si le montant actuel atteint déjà le loyer de référence majoré fixé localement, aucune hausse ne peut être appliquée, même si l’IRL progresse. Le bailleur doit donc impérativement vérifier les valeurs réglementaires avant toute notification.
Enfin, si la clause IRL est inexistante, imprécise ou incorrectement rédigée, aucune révision ne peut être effectuée. Le bailleur devra alors attendre le renouvellement pour demander une éventuelle revalorisation, via la procédure spécifique de revalorisation pour loyer sous-évalué.
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Procédure : comment réviser le loyer sans erreur
La première étape consiste à vérifier la clause du bail et s’assurer que vous êtes bien dans la fenêtre de 12 mois suivant la date prévue. La deuxième consiste à récupérer l’IRL du trimestre de référence, pour l’année en cours et l’année précédente. Le calcul doit utiliser exactement le même trimestre : T1 avec T1, T2 avec T2, etc.
Une fois le calcul effectué, le bailleur doit rédiger une notification claire à l’attention du locataire, en indiquant le montant actuel, le montant révisé, le trimestre IRL utilisé, la formule, ainsi que la date d’effet de la hausse. Cette date correspond en général à la prochaine échéance de loyer, sauf mention particulière.
Après notification, le bailleur doit mettre à jour les quittances et conserver les justificatifs du calcul ainsi que la preuve d’envoi. En cas de contestation, ces éléments permettront de démontrer que la révision a été faite dans les règles, conformément aux obligations légales.
Exemples concrets de calcul pour éviter les erreurs
Exemple 1 : révision dans le délai d’un an
Loyer actuel : 800 €. Trimestre IRL : T2.
IRL T2 N-1 = 140,00 ; IRL T2 N = 143,00.
Nouveau loyer : 800 × (143 ÷ 140) = 817,14 €.
La hausse s’applique uniquement à compter de la notification.
Exemple 2 : oubli pendant trois années
Le bailleur n’a rien demandé pendant 2023 et 2024. En 2025, il peut seulement appliquer la révision IRL 2025/2024. Les années précédentes sont perdues.
Exemple 3 : encadrement des loyers en zone tendue
Le calcul IRL donne un loyer révisé de 1 020 €, mais le loyer de référence majoré est de 1 010 €. Le nouveau loyer ne peut dépasser 1 010 €. Si le loyer actuel est déjà à ce niveau, aucune hausse n’est possible.
Exemple 4 : logement F ou G au DPE
Même si l’IRL progresse, aucune augmentation ne peut être appliquée. Le gel reste obligatoire tant que la performance énergétique n’a pas été améliorée.
Cas particuliers : colocation, meublé, bail mobilité, travaux
En colocation avec bail unique, le bailleur applique une seule révision globale, qu’il répartit ensuite entre les colocataires. En présence de baux individuels, chaque contrat suit sa propre révision IRL. Ces nuances doivent être maîtrisées pour éviter les erreurs dans les quittances de loyer.
En bail meublé résidence principale, la logique est identique à celle du bail nu. Toutefois, si le logement est situé en zone d’encadrement, les règles de plafonnement s’appliquent aussi. En bail mobilité, la durée très courte fait que la révision IRL n’a pas vocation à s’appliquer.
Enfin, les travaux réalisés en cours de bail ne permettent pas un rattrapage IRL. Ils peuvent faire l’objet d’un avenant signé avec le locataire, mais ne se substituent jamais au mécanisme légal de révision.
Loyer sous-évalué : une procédure distincte du rattrapage
Lorsque le loyer est trop bas par rapport au marché, certains bailleurs pensent qu’ils peuvent utiliser l’IRL pour “rattraper le retard”. Ce n’est pas possible. La procédure de réévaluation d’un loyer sous-évalué est distincte, et ne peut intervenir qu’au renouvellement du bail.
Elle impose de fournir un ensemble de références comparables, de respecter des délais stricts, et d’appliquer les plafonnements locaux. En zone tendue, les marges sont très encadrées. En cas de désaccord, le passage en commission départementale de conciliation est obligatoire avant toute saisine du juge.
Cette procédure ne permet donc pas de récupérer des années d’IRL oublié. Elle sert uniquement à réaligner le loyer sur le marché, sous le contrôle strict de la réglementation.
Quand l’augmentation est impossible : les freins à connaître
Plusieurs situations rendent impossible toute augmentation, même si le bail prévoit une clause IRL. Premièrement, l’absence de clause : aucune révision ne peut être appliquée. Deuxièmement, le délai d’un an dépassé : le droit est perdu. Troisièmement, un logement classé F ou G : hausse gelée.
Quatrièmement, l’encadrement des loyers en zone tendue : si le loyer approchait déjà le loyer de référence majoré, aucune augmentation n’est autorisée. Enfin, certains plafonds nationaux, instaurés temporairement pour limiter l’inflation, peuvent limiter le pourcentage de hausse applicable.
Dans tous les cas, la transparence et la conformité juridique sont essentielles pour éviter tout litige avec le locataire ou toute contestation d’un organisme de contrôle local.
FAQ – Rattrapage et augmentation de loyer
Puis-je rattraper plusieurs années d’IRL non appliquées ? Non, c’est interdit. Seule la dernière révision est possible, dans le délai d’un an.
La hausse peut-elle être rétroactive ? Jamais. Elle ne vaut que pour l’avenir, à compter de la notification.
Et si le bail n’a pas de clause IRL ? Aucune révision en cours de bail n’est possible.
Un logement F ou G peut-il être révisé ? Non, les loyers sont gelés, même pour l’IRL.
Mon bien est en zone tendue : IRL et encadrement sont-ils compatibles ? Oui, mais le loyer révisé ne peut dépasser le loyer de référence majoré.
Que faire si le loyer est sous-évalué ? Utiliser la procédure de renouvellement, pas l’IRL.
