Indemnité d’occupation : définition, calcul et modalités d’application (2025)

L'indemnité d'occupation est un sujet crucial pour les propriétaires et occupants, notamment en cas de litige, de divorce ou d'indivision.

Comprendre l’indemnité d’occupation

L’indemnité d’occupation est la somme que doit une personne qui se maintient dans un logement ou un local sans droit valable, ou qui en a l’usage exclusif au détriment d’autres titulaires.
Elle n’est pas une sanction mais une compensation financière qui répare la privation de jouissance subie par le propriétaire ou les coindivisaires, généralement évaluée à la valeur locative de marché du bien.

Elle s’applique dans des situations très diverses : ex-locataire resté dans les lieux après résiliation du bail, indivisaire occupant seul un bien commun, ex-conjoint conservant le logement familial, occupant sans droit ni titre, acquéreur ayant eu les clés d’un bien avant que la vente ne soit finalement annulée.
Dans toutes ces hypothèses, le principe reste identique : celui qui a bénéficié d’un usage privatif doit compenser l’« usage » qu’il a eu du bien jusqu’à la restitution effective des lieux, ce qui suppose en pratique la remise des clés et l’état des lieux de sortie.

Les fondements juridiques essentiels

En droit français, plusieurs textes encadrent directement ou indirectement l’indemnité d’occupation.
En indivision, l’article 815-9 du Code civil prévoit que l’indivisaire qui use privativement de la chose indivise est redevable d’une indemnité envers l’indivision, sauf convention contraire.

À lire : Assurance loyers impayés : dossier refusé — que faire concrètement (et éviter le prochain refus)

Après résiliation d’un bail d’habitation, le locataire maintenu dans les lieux devient occupant sans droit ni titre ; l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 organise la résiliation (notamment via clause résolutoire) et la jurisprudence fixe une indemnité due jusqu’à la remise des clés.

Lorsque un contrat est anéanti après remise des clés (annulation, résolution d’une vente), le chapitre des restitutions impose la restitution des fruits et de la valeur de la jouissance : l’article 1352-3 confirme que le juge évalue cette valeur au jour où il statue.

Enfin, les règles de procédure d’expulsion et la trêve hivernale du Code des procédures civiles d’exécution n’effacent pas l’indemnité : l’expulsion peut être retardée, mais la somme reste due jusqu’à la libération des lieux. Les articles L411-1 et suivants, ainsi que L412-6 sur la trêve, posent le cadre.

Indemnité d’occupation, loyer, redevance : bien faire la distinction

Le loyer découle d’un bail en cours.
Dès que le bail cesse de produire ses effets (résiliation, arrivée du terme suivie d’un maintien illicite, congé non suivi d’un départ), la somme due par l’occupant n’est plus un loyer mais une indemnité d’occupation, généralement alignée sur la valeur locative et souvent proche du dernier loyer connu, sans pour autant dépendre des clauses contractuelles (indexation, pénalités) sauf décision du juge.

À lire : VMC obligatoire : ce que dit vraiment la loi (neuf, ancien, location, copropriété)

La redevance rémunère une convention d’occupation (par exemple une convention précaire).
Si la convention s’éteint ou est invalide, on bascule sur l’indemnité d’occupation, de nature indemnitaire et non contractuelle.
L’astreinte, somme fixée par le juge pour contraindre à libérer les lieux, peut s’ajouter à l’indemnité mais poursuit une autre finalité : forcer l’exécution.

Quand l’indemnité d’occupation est-elle due ?

Après la résiliation d’un bail d’habitation

Une fois la clause résolutoire acquise ou la résiliation prononcée, l’occupant devenu « sans droit ni titre » doit une indemnité jusqu’à la remise des clés.
La Cour rappelle régulièrement que les indemnités d’occupation sont dues de plein droit tant que l’occupation se poursuit, et que le point final correspond à la restitution effective.

En pratique, les juridictions fixent souvent l’indemnité au montant du dernier loyer + charges récupérables, lorsque ce montant reflète correctement la valeur de marché, mais elles peuvent ajuster à la hausse ou à la baisse si des éléments objectifs le justifient (surface, état, équipements, localisation).

Entre coïndivisaires (indivision, succession)

Un indivisaire qui occupe seul la maison familiale ou un appartement locatif doit indemniser l’indivision pour son usage exclusif.
Le juge apprécie la valeur locative et répartit l’indemnité selon les droits de chacun, en tenant compte des charges de propriété assumées par l’occupant (taxe foncière, gros travaux) pour éviter une double peine.
L’article 815-9 sert ici de boussole constante.

À lire : Climatisation en copropriété : ce que dit la jurisprudence (et comment éviter les contentieux)

Lorsqu’une vente est annulée ou résolue après remise des clés

Si l’acquéreur a reçu les clés et profité du bien avant que la vente ne soit anéantie, il doit au vendeur la valeur de la jouissance pour la période d’occupation, en plus des restitutions croisées.
L’article 1352-3 place clairement la valeur d’usage au cœur du calcul.

Occupation sans droit ni titre et expulsion

Un squatteur, un occupant toléré dont la tolérance a été révoquée, ou un ex-locataire resté après congé peuvent être condamnés à payer une indemnité d’occupation.
L’action en référé permet souvent d’obtenir une provision rapidement, avant la fixation définitive au fond.
La trêve hivernale reporte l’expulsion mais pas l’exigibilité de l’indemnité.

Comment se calcule l’indemnité d’occupation ?

Le principe directeur est la valeur locative de marché du bien, au mois, jusqu’à la libération effective.
En l’absence de repère fiable, les juges retiennent souvent le dernier loyer comme proxy lorsque le bien et les conditions n’ont pas changé, mais ils peuvent corriger si la consistance ou l’état du logement ont évolué.

La jurisprudence récente insiste sur la preuve de la remise des clés pour arrêter la période d’occupation.
Un arrêt de la Cour de cassation du 14 novembre 2024 (baux commerciaux) rappelle l’importance de cet élément matériel : sans remise incontestable, l’occupation est présumée se poursuivre et l’indemnité continue à courir.
Ce principe, transposable par analogie au logement, rejoint la pratique des juridictions en matière d’habitation.

Dans certains contentieux d’indivision, des cours d’appel ont fixé l’indemnité à un pourcentage de la valeur locative (par exemple 80 %) lorsque l’usage n’était pas parfaitement exclusif ou que des circonstances particulières le justifiaient.
Le montant reste toutefois fonction des faits et des pièces produites (annonces comparables, loyers de marché, expertise).

Point de départ, fin et intérêts

Le point de départ varie selon les situations : date d’effet de la résiliation, fin de préavis suivie d’un maintien illicite, assignation ou mise en demeure en indivision, date de l’ordonnance en matière familiale.
La fin coïncide avec la restitution des lieux et des clés, à prouver par un état des lieux ou un récépissé de remise des clés.

Des intérêts au taux légal peuvent s’ajouter à compter de la mise en demeure ou de l’assignation.
Dans le cadre des restitutions, la bonne ou la mauvaise foi de l’occupant influe sur la date à partir de laquelle la valeur de la jouissance est due : de la demande si l’occupant était de bonne foi, dès le paiement si la mauvaise foi est établie.

Défenses et ajustements possibles

L’occupant peut contester le montant s’il démontre que la valeur locative invoquée est surévaluée par rapport au marché local, que la consistance du bien a changé (travaux, perte d’un équipement majeur), ou que le logement était impropre à l’habitation pour une période déterminée (sinistre, insalubrité avérée).
À l’inverse, le propriétaire peut demander, en plus, des dommages-intérêts pour un préjudice distinct (dégradations, perte de chance de vendre, frais d’huissier), sans se confondre avec l’indemnité qui répare uniquement l’usage.

En indivision, une convention écrite peut aménager, réduire ou exclure l’indemnité pour une période, à condition que l’accord soit clair et non équivoque.
En contexte familial, le juge peut attribuer la jouissance gratuite du logement pour un temps, notamment dans l’intérêt des enfants ; dans ce cas, aucune indemnité n’est due pour la période couverte par la décision.

Procédure pratique pour le bailleur ou le coindivisaire

Pour un bailleur, la première étape consiste à constater la fin du titre (résiliation, fin de préavis) puis à mettre en demeure l’occupant de libérer les lieux et de payer une indemnité d’occupation provisoire.
En cas d’inertie, une assignation peut être délivrée pour fixation judiciaire du montant, avec la possibilité de solliciter une provision en référé.
L’exécution forcée (expulsion) suppose un titre exécutoire et le respect des délais du CPCE, y compris la trêve hivernale.

Pour un coindivisaire, il est recommandé d’adresser une demande écrite fixant clairement la date à partir de laquelle l’usage privatif sera indemnisé, puis, à défaut d’accord, de saisir le juge pour voir fixer le montant selon l’article 815-9.
Les comptes d’indivision seront soldés en fin de procédure (compensations avec charges supportées, quote-parts, etc.).

Exemple chiffré simple

Un appartement de 52 m² dans une grande ville a une valeur locative de 980 € charges comprises.
Le bail est résilié le 1ᵉʳ mai et les clés sont restituées le 15 septembre, soit 4,5 mois d’occupation sans droit ni titre.
L’indemnité brute atteint 4,5 × 980 € = 4 410 €.
Si le bailleur a engagé une procédure d’expulsion durant la trêve hivernale, l’exécution a pu être repoussée, mais la dette d’indemnité a continué de courir sans interruption.

Cas particuliers fréquents en 2025

Baux d’habitation : rôle décisif de la remise des clés

La pratique contentieuse confirme qu’en l’absence de preuve de remise des clés, l’occupation est présumée se poursuivre.
Des arrêts récents, notamment en matière commerciale, rappellent que la question des clés est déterminante pour arrêter le compteur.
Côté preuve, un procès-verbal d’huissier, un état des lieux signé ou un accusé de réception de remise au syndic ou au bailleur sécurisent la date de fin.

Indivision : modulation possible

Dans certains dossiers, les juges retiennent un abattement par rapport à la valeur locative (usage partiel, occupation non permanente, cohabitation), parfois 80 %.
Il ne s’agit pas d’un tarif automatique, mais d’une appréciation au cas par cas fondée sur les éléments fournis par les parties.

Conseils pratiques pour sécuriser votre dossier

Côté propriétaire : documentez la valeur locative (comparables, estimation professionnelle), mettez en demeure sans tarder et organisez une restitution formalisée des clés.
En cas de contentieux, pensez à demander intérêts et, le cas échéant, astreinte pour accélérer l’exécution.

Côté occupant : si vous êtes de bonne foi, proposez un règlement provisionnel à la valeur locative le temps de votre départ, et fixez une date de remise des clés avec état des lieux pour arrêter l’horloge.
Contestez le montant si des éléments objectifs montrent que la valeur revendiquée est excessive.

À retenir

L’indemnité d’occupation vise un objectif simple : rétablir l’équilibre en rémunérant l’usage exclusif d’un bien quand le titre fait défaut.
Elle se calcule à la valeur locative, court jusqu’à la remise des clés, et peut se cumuler avec d’autres postes d’indemnisation lorsqu’un préjudice distinct est prouvé.
La clé d’un dossier solide : des preuves datées, une évaluation sérieuse du marché et la maîtrise des jalons procéduraux.

Sources et textes (liens officiels)

Code civil, art. 815-9 : indemnité due par l’indivisaire occupant privativement.
Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, art. 24 : résiliation, clause résolutoire, suites du maintien dans les lieux.
Code civil, art. 1352-3 (restitutions : fruits et valeur de la jouissance) et chapitre 1352 à 1352-9.
Code des procédures civiles d’exécution, L411-1 et s. (expulsion) et L412-6 (trêve hivernale).
Cour d’appel de Paris, 16 juin 2022 : indemnité due de plein droit jusqu’à la restitution des clés.
Cass. civ. 3ᵉ, 14 novembre 2024, n° 23-16.539 : importance de la remise des clés pour arrêter l’indemnité (baux commerciaux, principe transposable).

Partagez
Tweetez
Partagez