Avant de mettre un bien en location, tout propriétaire a l’obligation légale de s’assurer que le logement proposé est « décent ». Mais que signifie exactement ce terme dans le cadre d’une location ? Derrière l’expression “logement décent” se cache une définition précise, encadrée par la loi, qui vise à garantir un minimum de confort, de sécurité et de salubrité pour les locataires. Cette obligation est essentielle pour protéger les occupants mais aussi pour éviter des sanctions au bailleur.
Définition du logement décent selon la loi
Un logement est considéré comme décent lorsqu’il ne présente aucun risque manifeste pour la sécurité ou la santé des locataires, et qu’il respecte un certain nombre de critères de confort. La notion de “logement décent” est définie dans la loi du 6 juillet 1989 et précisée par le décret du 30 janvier 2002. Le texte indique que le bien doit être clos, couvert, en bon état d’usage et de réparation, et équipé des éléments essentiels à une occupation normale : installation électrique conforme, système de chauffage, coin cuisine, eau potable, évacuation des eaux usées, etc.
Depuis 2023, la notion de décence intègre également un seuil de performance énergétique minimale. Concrètement, un logement dont la consommation d’énergie finale dépasse 450 kWh/m²/an ne peut plus être mis en location. Il s’agit d’une évolution majeure de la loi, qui vise à lutter contre les passoires thermiques.
Quels sont les critères d’un logement décent en 2025 ?
Pour qu’un logement soit considéré comme décent et puisse être légalement loué, il doit respecter un certain nombre de critères fixés par la loi du 6 juillet 1989, complétés par plusieurs décrets successifs. Ces critères évoluent avec le temps, notamment en matière de performance énergétique. Voici les exigences en vigueur en 2025 :
1. Une surface minimale
Le logement doit disposer :
- d’une pièce principale de 9 m² minimum avec une hauteur sous plafond de 2,20 m minimum, ou
- d’un volume habitable de 20 m³ minimum.
2. Une sécurité physique et sanitaire
Le logement ne doit pas exposer les occupants à des risques pour leur santé ou leur sécurité. Cela implique :
- l’absence de risque manifeste (plancher effondré, installation électrique dangereuse, infiltrations d’eau, etc.) ;
- une bonne étanchéité à l’air et à l’eau ;
- des dispositifs de ventilation suffisants ;
- un éclairage naturel correct ;
- des accès sécurisés (portes, fenêtres).
3. Un équipement minimum
Le bien loué doit permettre un usage normal d’habitation, c’est-à-dire comporter :
- un système de chauffage en bon état de fonctionnement ;
- une installation d’eau potable avec évacuation des eaux usées ;
- des sanitaires intérieurs (WC séparés ou dans la salle d’eau) ;
- un coin cuisine (évier, arrivée d’eau, évacuation, espace cuisson).
4. Une performance énergétique minimale
Depuis le 1er janvier 2023, un logement classé G+ (consommation > 450 kWh/m²/an) est interdit à la location. Cette interdiction s’étend :
- aux logements classés G à partir du 1er janvier 2025,
- aux F en 2028,
- aux E en 2034.
💡 Cela signifie qu’à partir de 2025, les logements classés G au DPE seront considérés comme non décents, même s’ils respectent les autres critères.
Quels logements sont concernés par cette obligation de décence ?
L’obligation de proposer un logement décent s’applique à l’ensemble des locations de résidence principale, qu’il s’agisse de logements vides ou meublés, et qu’ils soient loués par des particuliers ou des professionnels. Cela comprend :
- Les locations classiques à l’année, encadrées par la loi du 6 juillet 1989.
- Les logements meublés, y compris ceux destinés aux étudiants ou aux jeunes actifs.
- Les colocations, qu’elles soient avec bail unique ou baux individuels.
- Les logements sociaux, soumis également aux mêmes critères de décence.
Même un logement loué à titre gratuit (par exemple, à un proche ou dans le cadre d’un prêt à usage) doit respecter les normes minimales de salubrité et de sécurité.
Exceptions ? Très peu. Les résidences secondaires, les locations saisonnières ou encore les hébergements touristiques (type Airbnb) échappent en partie à ces règles, mais cela ne dispense pas pour autant le bailleur de garantir un minimum de sécurité et de confort.
Dès qu’un logement est destiné à être habité durablement, il est concerné par cette obligation de décence. Le non-respect expose le propriétaire à des recours juridiques et des sanctions, que nous détaillons dans la section suivante.
Que risque un propriétaire qui loue un logement indécent ?
Un propriétaire qui loue un logement ne respectant pas les critères de décence s’expose à des conséquences juridiques, financières et contractuelles importantes. Et contrairement à certaines idées reçues, ce ne sont pas des sanctions théoriques : de nombreux locataires obtiennent gain de cause devant les tribunaux.
1. Suspension ou réduction du loyer
Le locataire peut saisir le tribunal pour demander la suspension du paiement du loyer tant que les travaux de mise en conformité ne sont pas réalisés. Le juge peut également réduire le montant du loyer si l’état du logement le justifie.
2. Obligation de faire les travaux
Le bailleur peut être contraint, par décision de justice, de réaliser les travaux nécessaires à ses frais, dans un délai défini. S’il refuse ou tarde à agir, des astreintes financières (amendes par jour de retard) peuvent être prononcées.
3. Résiliation du bail
Dans les cas les plus graves (insalubrité, danger pour la santé ou la sécurité), le locataire peut demander la résiliation judiciaire du bail sans être tenu de respecter le préavis habituel. Cela peut engendrer une perte de loyers et des frais annexes pour le propriétaire.
4. Dommages et intérêts
Enfin, si le locataire prouve qu’il a subi un préjudice (humidité, insécurité, froid excessif…), le juge peut condamner le bailleur à lui verser des dommages et intérêts.
💡 À noter : la mauvaise foi n’est pas requise. Même un bailleur qui ignorait que son logement était indécent peut être sanctionné. Il lui incombe de vérifier que son bien est conforme avant la signature du bail.
Comment prouver qu’un logement est indécent ?
Si tu es locataire et que tu estimes que ton logement ne respecte pas les critères de décence, il est possible de faire constater l’indécence afin de contraindre ton propriétaire à effectuer les travaux nécessaires. Voici la marche à suivre pour constituer un dossier solide :
1. Rassembler des preuves concrètes
Il faut documenter précisément les problèmes constatés dans le logement. Les preuves les plus utiles sont :
- des photos datées (humidité, moisissures, fils électriques dénudés, infiltrations, etc.) ;
- des vidéos illustrant les dysfonctionnements (chauffage HS, volets bloqués, etc.) ;
- des témoignages d’autres occupants ou voisins ;
- des certificats médicaux en cas d’impact sur la santé (asthme, allergies, etc.).
2. Faire appel à un organisme indépendant
Tu peux demander une évaluation gratuite du logement par un professionnel :
- L’Agence Départementale d’Information sur le Logement (ADIL) te conseillera juridiquement.
- Le service d’hygiène de la mairie peut envoyer un agent pour constater l’insalubrité.
- Un technicien de la CAF peut également intervenir dans le cadre du contrôle de la qualité du logement ouvrant droit à l’aide au logement.
Le plus efficace reste de faire intervenir la Direction Départementale de l’Emploi, du Travail et des Solidarités (DDETS), qui peut diligenter une enquête.
3. Contacter un huissier (facultatif mais utile)
Si tu veux une preuve difficilement contestable devant un juge, tu peux missionner un commissaire de justice (huissier) pour dresser un constat d’indécence. Cela a un coût (200 à 400 €), mais peut peser lourd si une action judiciaire devient nécessaire.
4. Envoyer une mise en demeure au bailleur
Avant toute procédure contentieuse, la loi impose d’envoyer une mise en demeure écrite au propriétaire, par lettre recommandée avec accusé de réception, en lui demandant de faire les travaux nécessaires sous un délai raisonnable (généralement un à deux mois)
Quelles sont les obligations du bailleur si le logement est déclaré indécent ?
Dès lors qu’un logement est officiellement reconnu comme indécent, le bailleur est dans l’obligation légale de remettre le bien en conformité. Cette obligation découle de la loi du 6 juillet 1989, qui impose au propriétaire de louer un logement “décent”, c’est-à-dire ne portant pas atteinte à la sécurité ou à la santé du locataire.
1. Réaliser les travaux dans un délai raisonnable
Le bailleur doit faire les travaux nécessaires pour que le logement respecte les critères de décence, sans pouvoir les reporter indéfiniment. Le délai dépendra de la gravité des manquements, mais l’inaction du propriétaire peut être sanctionnée. Si les travaux ne sont pas réalisés, tu peux saisir le juge ou alerter la préfecture.
2. Maintenir ou suspendre le loyer ?
Dans certains cas, le loyer peut être suspendu en attendant que les travaux soient faits. Le juge peut aussi décider :
- d’une réduction temporaire du loyer jusqu’à la fin des travaux ;
- d’une suspension totale du loyer si le logement est jugé dangereux ou insalubre.
La CAF peut également suspendre le versement de l’APL si elle estime que le logement ne permet pas d’y vivre dignement.
3. Aucune expulsion possible
Tant que la procédure est en cours, le bailleur ne peut pas donner congé au locataire pour récupérer son logement. Cela protège le locataire pendant la période de conflit.
4. Possibles sanctions pour le propriétaire
Un bailleur qui persiste à ne pas réaliser les travaux peut être sanctionné par :
- une amende administrative (jusqu’à 15 000 €) ;
- une obligation de faire les travaux sous astreinte financière ;
- voire une interdiction temporaire de louer le bien jusqu’à sa mise aux normes
Quels recours pour le locataire si rien n’est fait ?
Si le logement reste indécent malgré les signalements, le locataire dispose de plusieurs recours pour contraindre son propriétaire à agir. Ces démarches peuvent se faire progressivement, en fonction de la gravité de la situation et de la réaction (ou non) du bailleur.
1. Envoyer une mise en demeure
La première étape consiste à envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception au propriétaire pour l’informer officiellement de la situation et demander les réparations. Il est conseillé de joindre à ce courrier les constats, photos, rapports ou certificats obtenus.
2. Saisir la commission départementale de conciliation
En l’absence de réponse ou en cas de refus de faire les travaux, tu peux saisir gratuitement la commission départementale de conciliation. Elle réunit propriétaire et locataire pour tenter de trouver un accord à l’amiable.
3. Saisir le tribunal
Si aucune solution n’est trouvée, le locataire peut saisir le tribunal judiciaire pour demander :
- la réalisation forcée des travaux,
- une réduction ou suspension du loyer,
- des dommages et intérêts pour le préjudice subi (troubles de jouissance, dépenses supplémentaires, etc.).
4. Alerter les services d’hygiène ou de la préfecture
Dans les cas les plus graves (insalubrité, risques sanitaires ou sécuritaires), le locataire peut signaler la situation :
- à la mairie ou à la DDASS (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales),
- à la CAF, qui pourra suspendre l’aide au logement tant que le bien est indécent,
- à la préfecture, notamment en cas de danger pour la santé publique.