
Un propriétaire récupère un logement dont les murs, pourtant immaculés à l’entrée, affichent désormais une teinte jaunâtre et une odeur de tabac froid. C’est une situation fréquente à la sortie d’un locataire fumeur, mais rarement simple à trancher. Entre usure normale et dégradation imputable, la frontière est fine, et seule une méthode rigoureuse de constatation permet d’en tirer les bonnes conséquences lors de l’état des lieux de sortie.
Reconnaître un mur jauni par le tabac : les signes à observer
La nicotine et les goudrons contenus dans la fumée se déposent progressivement sur les surfaces. Ils forment un voile jaunâtre, parfois brun, particulièrement visible autour des interrupteurs, des radiateurs et des plinthes. Les zones restées protégées par un tableau ou une étagère paraissent plus claires, accentuant le contraste.
L’odeur, elle, persiste même après aération : un tabac froid typique qui imprègne les murs, plafonds et rideaux, surtout dans les pièces peu ventilées.
Lors de l’état des lieux, certains tests simples permettent d’objectiver la dégradation. Le test du chiffon blanc consiste à frotter légèrement le mur : si le tissu se teinte de jaune ou de brun, il s’agit bien d’un dépôt de nicotine. Une comparaison photographique avec l’état des lieux d’entrée est indispensable, de préférence sous le même angle et la même lumière.
Chaque pièce doit être décrite précisément : localisation du jaunissement, intensité (léger, marqué), et photos datées à l’appui. Ces éléments serviront de preuve en cas de contestation.
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Usure normale ou dégradation imputable : comment faire la différence
La notion d’usure normale est centrale en matière locative. Une peinture légèrement passée ou ternie au bout de plusieurs années est normale. En revanche, un jaunissement généralisé accompagné d’une odeur persistante relève clairement d’une dégradation.
Pour être imputable au locataire, la différence doit être objectivement constatée entre l’état d’entrée (murs propres, sans odeur) et celui de sortie (film gras, traces visibles, odeur tenace).
Une grille de vétusté, si elle est jointe au bail, permet d’ajuster la retenue en fonction de l’âge de la peinture. Plus elle est ancienne, plus la part refacturable diminue. Mais même une peinture de cinq ans n’est pas censée dégager une forte odeur de tabac : l’usage normal n’explique pas une telle altération.
La formule type à inscrire sur le rapport peut être :
« État initial : murs blancs, propres, sans odeur. État final : jaunissement généralisé et odeur persistante. Test chiffon positif. → Dégradation imputable nécessitant lessivage complet, impression anti-nicotine et deux couches de peinture. »
Un exemple clair, opposable, et justifié par photos.
Méthode de constat : pièce par pièce, preuves à l’appui
Le relevé doit être précis et exhaustif. Il faut examiner chaque mur et plafond, noter la présence ou non d’odeur, et effectuer plusieurs tests au chiffon. Les zones sensibles — plafonds, angles supérieurs, contours de fenêtres, radiateurs — sont souvent les plus marquées.
Comparer les clichés d’entrée et de sortie sous les mêmes angles est essentiel pour démontrer la différence.
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En fin de visite, il convient de qualifier le niveau d’intervention nécessaire : un simple lessivage, un lessivage suivi d’une impression, ou une repeinture complète si la teinte n’est plus homogène. L’objectif est d’éviter les évaluations “au doigt mouillé” et de pouvoir justifier chaque retenue.
Travaux nécessaires : du nettoyage à la remise en peinture complète
Un lessivage seul peut suffire lorsque les traces sont superficielles, mais dans la plupart des cas, le film gras de nicotine empêche la nouvelle peinture d’adhérer. Il faut donc appliquer une impression anti-nicotine, conçue pour bloquer les taches et neutraliser les odeurs.
Une peinture de finition en deux couches assure ensuite une homogénéité durable.
Les plafonds et pièces d’eau, souvent plus exposés, exigent un traitement complet. Les menuiseries PVC jaunies peuvent nécessiter un dégraissage intensif, voire un remplacement partiel. Si le logement comporte du papier peint, la nicotine s’y incruste : la dépose est parfois la seule solution.
Enfin, une bonne aération est essentielle : nettoyage des grilles de VMC et aération croisée permettent d’éliminer les résidus d’odeur.
Chiffrer la remise en état : méthode claire et justifiable
Une retenue sur dépôt de garantie ne peut pas être décidée arbitrairement. Elle doit s’appuyer sur des devis ou factures détaillées, et sur une méthode objective de chiffrage.
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- Définir le périmètre des travaux : lessivage simple, impression, ou remise en peinture complète.
- Quantifier les surfaces concernées (murs et plafonds), en précisant la hauteur sous plafond.
- Évaluer le temps et les fournitures nécessaires : dégraissage, séchage, impression, couches de finition.
- Appliquer la vétusté si la peinture n’était pas récente à l’entrée.
Exemple :
Salon de 18 m², hauteur sous plafond 2,5 m : film gras et odeur persistante. Diagnostic : lessivage complet, impression anti-nicotine et deux couches de finition. Devis joint pour 380 €, vétusté appliquée de 25 % (peinture antérieure de 4 ans).
Une présentation claire, transparente, et difficilement contestable.
Retenue sur dépôt de garantie : la procédure à respecter
Le propriétaire doit informer le locataire par écrit de toute retenue envisagée, en détaillant les points suivants :
- L’état initial et final comparé
- Les zones concernées
- Les devis ou factures correspondants
- La vétusté appliquée
- Le solde du dépôt après déduction
Le tout doit être transmis dans le délai légal de restitution du dépôt de garantie, accompagné de photos et justificatifs.
Il est conseillé d’utiliser un modèle de lettre de retenue disponible sur Gererseul.com pour formaliser cette démarche et éviter toute erreur de formulation.
Clauses “non-fumeur” : attention à la validité juridique
Certains baux comportent une clause interdisant de fumer dans le logement. En pratique, cette clause est peu opposable : un locataire ne peut pas être sanctionné pour avoir fumé, mais uniquement pour les dégradations que cela a causées.
Ainsi, ce n’est pas l’acte de fumer qui justifie la retenue, mais bien la différence d’état constatée entre l’entrée et la sortie.
Le propriétaire doit se concentrer sur les éléments matériels : murs jaunis, odeurs persistantes, devis à l’appui. La jurisprudence confirme que la responsabilité du locataire ne peut être engagée qu’en cas de dégradation anormale, prouvée et chiffrée.
Cas particuliers : logements meublés, papier peint, forte exposition
Dans un logement meublé, les tissus et rideaux absorbent les odeurs et jaunissent plus vite. Leur nettoyage ou remplacement peut être facturé, à condition d’en justifier la nécessité par photos et devis.
Un papier peint vinylique peut parfois être nettoyé, mais si l’odeur reste incrustée, il faudra le remplacer.
En cas de forte imprégnation, les prises et interrupteurs jaunis peuvent nécessiter un démontage et un nettoyage en profondeur.
Enfin, lorsque la peinture était neuve à l’entrée, la tolérance est moindre : une reprise complète se justifie plus facilement.
À retenir
Le jaunissement des murs par le tabac n’est pas une fatalité. En consignant méthodiquement les preuves lors de l’état des lieux, le propriétaire peut imputer légitimement la remise en état au locataire sortant.
Le tout est de respecter la procédure : constat précis, chiffrage justifié, et communication transparente.
Gererseul met à disposition des propriétaires des outils pratiques pour réaliser un état des lieux conforme, calculer la vétusté, et rédiger les lettres de retenue en toute sécurité.
Sources :
- Service-public.fr – Dépôt de garantie et retenues
- ANIL – État des lieux et réparations locatives
- INSEE – Guide du logement et entretien des biens immobiliers