Locataire décédé et héritiers renonçants : vos droits et démarches pour récupérer le logement

Le décès d’un locataire place souvent le bailleur dans une situation délicate. Au choc humain s’ajoutent des interrogations juridiques et pratiques : le bail prend-il automatiquement fin ? Que se passe-t-il si les héritiers refusent la succession ? Comment récupérer les clés, vider le logement et obtenir le paiement des loyers ou indemnités d’occupation dus ?

Ces questions concernent chaque année des milliers de propriétaires. Les règles à suivre sont précises mais méconnues. Elles impliquent à la fois le droit des baux et le droit des successions. Cet article propose un guide complet, étape par étape, pour comprendre vos droits et agir sans erreur.

Le sort du bail après le décès du locataire

La première question est de savoir si le bail prend automatiquement fin au décès ou s’il peut être transféré. L’article 14 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit en effet que le contrat peut se poursuivre au profit de certaines personnes : conjoint survivant, partenaire de PACS, concubin notoire, ascendants, descendants ou toute personne à charge qui vivait avec le défunt depuis au moins un an avant le décès.

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Prenons un exemple concret. Si le locataire vivait avec son conjoint, celui-ci peut demander à reprendre le bail, quelle que soit sa situation financière. Si un enfant majeur cohabitait de manière continue depuis plus d’un an, il peut également obtenir ce transfert. À l’inverse, un enfant qui ne résidait pas dans le logement n’a aucun droit à reprendre le bail.

En l’absence de personne remplissant ces conditions, le bail est résilié de plein droit au jour du décès. C’est une extinction automatique, qui ne nécessite pas de procédure particulière. Cette règle est confirmée par le site officiel Service-public.fr, qui précise que la location ne se transmet pas aux héritiers non occupants.

Refus de succession et transfert du bail : deux mécanismes différents

Il est important de distinguer le transfert du bail de la succession elle-même. Lorsqu’un héritier renonce à la succession, il refuse d’assumer les dettes et créances du défunt. Cependant, cette renonciation n’a aucune incidence sur son droit au transfert du bail s’il remplissait les conditions de cohabitation.

Autrement dit, un conjoint ou un enfant ayant vécu dans le logement peut reprendre le bail même en renonçant à l’héritage. À l’inverse, si aucun occupant ne répond à ces critères, le bail est éteint et le logement doit être restitué. Cette distinction est essentielle pour éviter les confusions et les erreurs de procédure.

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La gestion des biens laissés dans le logement

Une fois le sort du bail clarifié, se pose la question de l’accès au logement et du traitement des biens du défunt. Même si le bail est éteint, le propriétaire ne peut pas entrer dans l’appartement de sa propre initiative, ni vider le mobilier sans autorisation. La jurisprudence est constante : cela constituerait une violation de domicile et une appropriation illégale des biens.

Deux situations se présentent alors. Si la succession est gérée par un notaire ou par des héritiers, même renonçants, il convient de s’adresser à eux pour organiser un inventaire et récupérer les clés. À défaut, lorsque personne ne se manifeste ou que tous les héritiers renoncent, il faut demander l’ouverture d’une succession vacante.

Le Code civil, aux articles 809 et suivants, prévoit que le tribunal peut désigner un curateur à succession vacante. Ce dernier devient l’interlocuteur du bailleur. Il est chargé de réaliser l’inventaire des biens, de gérer leur stockage ou leur vente, et de régler les dettes dans la limite de l’actif.

Le rôle du commissaire de justice (ancien huissier) est central à ce stade. Il peut dresser un inventaire, constater l’abandon des lieux et sécuriser le logement. Dans certains cas, il procède à la pose de scellés afin de protéger le patrimoine en attendant les décisions judiciaires.

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Les étapes à suivre si les héritiers renoncent

Concrètement, le bailleur doit avancer méthodiquement. La première étape est de réunir tous les documents utiles : acte de décès, bail, état des lieux d’entrée, relevés de loyers et charges, ainsi que tout échange avec la famille ou le notaire.

Il faut ensuite vérifier si une personne vivait dans le logement depuis au moins un an. Si c’est le cas, elle peut demander le transfert du bail. Sinon, le bail est considéré comme éteint.

La troisième étape consiste à écrire aux héritiers connus ou au notaire en charge, afin de demander la restitution des clés et l’évacuation des meubles. Si personne ne répond ou si tous les héritiers renoncent, il devient nécessaire de saisir le tribunal afin qu’il désigne un curateur à succession vacante.

Une fois ce curateur nommé, le bailleur dispose enfin d’un interlocuteur officiel. Il peut lui demander l’accès au logement, la récupération des clés et l’organisation d’un état des lieux de sortie. Les biens laissés sur place sont inventoriés et peuvent être stockés, vendus ou pris en charge par le Domaine selon leur valeur.

Les sommes dues et la déclaration de créance

Même après le décès, certaines sommes peuvent rester exigibles. Si le bail n’était pas encore éteint, les loyers et charges sont dus jusqu’à la date de restitution effective. À partir de cette date, si le logement est occupé par des personnes non titulaires du bail, une indemnité d’occupation peut être réclamée.

Ces dettes ne pèsent pas sur les héritiers ayant renoncé, mais elles s’imputent sur l’actif successoral géré par le curateur. Le bailleur doit alors déclarer sa créance en fournissant toutes les pièces justificatives : décompte, bail, mises en demeure, factures, procès-verbaux. Le paiement n’interviendra que dans la limite de l’actif disponible.

Le dépôt de garantie suit la même logique. Il appartient à la succession et doit être versé au notaire ou au curateur, déduction faite des sommes légitimement retenues pour impayés ou réparations. Aucun particulier ne peut le réclamer directement en dehors du cadre successoral.

Cas particuliers à connaître

Certaines situations méritent une attention particulière. Si un membre de la famille non éligible au transfert du bail reste dans le logement, il s’agit d’un occupant sans droit ni titre. Le bailleur doit alors engager une procédure d’expulsion classique devant le juge des contentieux de la protection, et peut réclamer une indemnité d’occupation.

En colocation, le décès de l’un des signataires n’éteint pas le bail. Les autres colocataires restent engagés et doivent continuer à payer leur part. Si une clause de solidarité existe, la part du défunt reste due par les autres signataires.

Enfin, si la location était meublée avec un garant, celui-ci reste tenu des dettes antérieures au décès, dans la limite prévue par l’acte de cautionnement. Après l’extinction du bail, seules les sommes nées avant la date de fin peuvent être exigées.

Les erreurs à éviter

La tentation est grande, pour un bailleur, d’entrer dans le logement afin d’accélérer la reprise. C’est pourtant interdit et risqué. Seule une autorisation judiciaire ou l’intervention du curateur permet de vider les lieux légalement.

Une autre erreur fréquente est de confondre la fin du bail avec la récupération matérielle du logement. Même si le bail est éteint, tant que les biens ne sont pas inventoriés et les clés restituées, le logement ne peut pas être considéré comme libéré.

Enfin, il ne faut pas oublier de déclarer sa créance auprès du curateur. À défaut, le bailleur risque de ne jamais percevoir les sommes qui lui sont dues.

FAQ

Le bail prend-il fin automatiquement au décès ?
Oui, sauf si une personne remplissant les conditions de l’article 14 de la loi de 1989 demande le transfert.

Les héritiers renonçants doivent-ils payer les dettes ?
Non, ils ne sont pas personnellement responsables. Les créances du bailleur sont prélevées sur la succession, dans la limite de l’actif.

Puis-je vider moi-même l’appartement ?
Non. Seule une décision judiciaire ou un inventaire réalisé par un commissaire de justice permet d’évacuer les biens légalement.

À qui revient le dépôt de garantie ?
Il est versé à la succession, gérée par un notaire ou un curateur, après déduction des sommes justifiées.

Qui contacter si personne ne se manifeste ?
Il faut saisir le tribunal afin qu’il désigne un curateur à succession vacante, qui devient l’interlocuteur unique.

La mort d’un locataire bouleverse non seulement les proches mais aussi le bailleur, qui se retrouve face à des démarches complexes. La clé consiste à distinguer clairement trois dimensions : le sort juridique du bail, la gestion matérielle des biens et les créances financières.

En respectant scrupuleusement les procédures – vérification du transfert, saisine du notaire ou du tribunal, intervention d’un commissaire de justice – le propriétaire peut récupérer son logement en toute légalité et préserver ses droits financiers.

Pour sécuriser vos démarches, Gererseul.com met à disposition des propriétaires des modèles de courriers adaptés et un accompagnement juridique. Dans un contexte aussi sensible, l’appui d’outils pratiques et de conseils experts constitue un atout précieux pour éviter les erreurs et agir avec sérénité.

Sources

 

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